Après les menaces, le président turc passe à l’acte. Il décide d’expulser dix ambassadeurs qui ont maintenu leur appel à la libération d’Osman Kavala, un homme d’affaires et figure de la société civile, en prison depuis quatre ans sans jugement.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré hier que les ambassadeurs de dix pays, le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis, qui ont ont lancé un appel en faveur de la libération de l'opposant Osman Kavala seront déclarés "persona non grata".
Autrement dit, il va les expulser. "J'ai ordonné à notre ministre des Affaires étrangères de régler au plus vite la déclaration de ces 10 ambassadeurs comme persona non grata", a affirmé le chef de l'État lors d'un déplacement dans le centre de la Turquie, sans toutefois donner une date précise.
Ces ambassadeurs "doivent connaître et comprendre la Turquie", a affirmé M. Erdogan en les accusant "d'indécence". "Ils devront quitter" le pays "s'ils ne le connaissent plus", a-t-il ajouté.
Motif : dans un communiqué publié lundi dernier, le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis avaient appelé à un "règlement juste et rapide de l'affaire" Osman Kavala, homme d'affaires et mécène turc devenu une bête noire du régime, emprisonné depuis quatre ans sans jugement.
La Turquie réagit le lendemain mardi par la convocation des ambassadeurs de ces dix pays, jugeant "inacceptable" leur appel en faveur de la libération d'Osman Kavala.
Cet opposant de 64 ans, figure majeure de la société civile, est accusé depuis 2013 par le régime du président Erdogan de chercher à déstabiliser la Turquie. Il est notamment en ligne de mire pour avoir soutenu en 2013 les manifestations antigouvernementales connues sous le nom de mouvement de Gezi.
Puis il a été accusé d'avoir cherché à "renverser le gouvernement" lors de la tentative de coup d'État de 2016. Le “George Soros de Turquie”, comme l’appelle M. Erdogan, a notamment été l’un des initiateurs de la campagne de reconnaissance du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman en 1915, un sujet tabou en Turquie.
En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait ordonné sa "libération immédiate" — en vain. Osman Kavala restera au moins jusqu'au 26 novembre en prison, a décidé début octobre un tribunal d'Istanbul, malgré les menaces européennes de sanctions contre Ankara.
Le Conseil de l'Europe a récemment menacé la Turquie de sanctions, qui pourront être adoptées lors de sa prochaine session (30 novembre au 2 décembre) si l'opposant n'est pas libéré d'ici là.
R.I./ AFP