L’état d’urgence confère au ministère de l’Intérieur des prérogatives exceptionnelles, à exercer sans autorisation judiciaire préalable, ce qui suscite de vives critiques à l’échelle nationale et internationale.
L’état d’urgence est prolongé sur tout le territoire tunisien de six mois supplémentaires à compter d’hier samedi jusqu’au 19 janvier 2022.
Le chapitre 2 du décret présidentiel relatif à cette décision, paru dans le Journal officiel vendredi, stipule que “les ministres sont chargés, chacun dans sa juridiction, de l’exécution du présent décret présidentiel qui est
publié dans le Journal officiel”.
L’état d’urgence est en vigueur en Tunisie depuis le 24 novembre 2015 sur l’ensemble du territoire (24 provinces), en réaction à l’attaque terroriste visant un bus de la garde présidentielle au cœur de la capitale, Tunis, faisant 12 décès et 16 blessés. Depuis cette attaque, l’état d’urgence a été prolongé à plusieurs reprises.
L’état d’urgence confère au ministère tunisien de l’Intérieur des prérogatives exceptionnelles, s’agissant notamment de l’interdiction des réunions, de l’imposition du couvre-feu, des perquisitions de jour comme de nuit, du contrôle des médias, des publications, des projections cinématographiques et des spectacles théâtrales. Ces prérogatives sont exercées sans autorisation judiciaire préalable, ce qui suscite de vives critiques à l’échelle internationale et nationale. Cela a lieu dans un contexte où la Tunisie est en proie à une autre urgence, celle-là sanitaire. L’effondrement de son système de santé, dû au nombre record quotidien de contaminations et de décès – 5 624 nouvelles contaminations par le coronavirus et 317 décès supplémentaires ont été recensés hier –, est aussi à l’origine d’une polémique au sommet de l’État, dont a fait les frais le désormais ex-ministre de la Santé. Le limogeage de ce dernier n’a pas empêché pour autant le gouvernement de Hichem Mechichi, lui-même, d’être l’objet de critiques d’une partie de la classe politique, qui l’accuse de mauvaise gestion de la pandémie.
Ainsi, le parti républicain Al Joumhouri a estimé que le rendement des différentes institutions de l’État dans la lutte contre la propagation du coronavirus durant ces derniers jours a été “défaillant et équivoque”. Pis, le parti Al Massar a affirmé son intention d’engager une procédure pénale contre le chef du gouvernement Hichem Mechichi en raison du “bilan catastrophique” de la gestion de la crise et de l’absence d’une stratégie claire de lutte contre la pandémie.
Dans une déclaration publiée vendredi, le parti dénonce les mesures impertinentes et les nombreux manquements du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire qu’il qualifie de “crime d’État”.
Cette situation a fait réagir aussi le chef de l’État Kaïs Saïed, qui a présidé vendredi soir une réunion d’urgence au palais de Carthage, à l’issue de laquelle il a admis l’échec de la campagne nationale de lutte anti-Covid et ordonné de réviser certaines des décisions, après la détérioration de la situation dans plusieurs régions.
Mais alors que le président Kaïs Saïed réalise une percée auprès de l’opinion, pour avoir œuvré pour l’acquisition du vaccin et assuré une mobilisation de l’armée dans les campagnes de vaccination, le gouvernement Mechichi semble en sursis. Le mouvement Ennahdha est aussi sérieusement affaibli par ses dissensions internes, mais pas que.
Pour preuve, trois députés du bloc démocratique ont réclamé, vendredi, un rapport médical “détaillé” sur l’état de santé et sa capacité à assurer la présidence de l’ARP (Parlement) de Rached Ghannouchi (80 ans), qui a séjourné pendant une période à l’hôpital militaire de Tunis.
A. R.