Les militaires ne semblent pas vouloir accéder aux revendications de la population et de l’opposition. Ils tiennent à leur pouvoir et l’ont démontré, hier, avec la répression de la manifestation qui a marqué le troisième anniversaire de la révolution.
Les Soudanais sont descendus, hier, dans la rue pour marquer les trois ans de la chute de Omar Al-Bachir et aussi leur désapprobation de l’accaparement du pouvoir par les militaires qui ont fait un coup d’État le 25 octobre dernier. La police a tiré des grenades lacrymogènes à Khartoum pour disperser les dizaines de milliers de manifestants descendus dans la rue pour s'opposer à l'armée.
Les putschistes ont promis de nommer un gouvernement, mais ne l’ont toujours pas fait, et la répression des manifestations s’est poursuivie. Elle a fait 45 morts et des centaines de blessés.
Les services de sécurité ont tiré à balles réelles sur les civils. Hormis la libération du Premier ministre placé en résidence surveillé, Abdallah Hamdok, qui a retrouvé son poste, de quelques ministres et militants politiques, les militaires n’ont concédé aucune concession.
Bien au contraire, ils ont pris le contrôle du conseil de souveraineté présidé, désormais, par le général Abdel Fattah Al-Burhane, chef des putschistes. Ceux qui se sont élevés contre Al-Bachir entendent poursuivre leur révolution et dégager les militaires du pouvoir qu’ils ont pris de force. Aussi, considèrent-ils ces militaires comme des “occupants” du pouvoir.
“Nous sommes confrontés aujourd'hui à une régression majeure dans la marche de notre révolution qui menace la sécurité, l'unité et la stabilité du pays et risque de mener l'État dans un abîme qui ne nous laissera ni patrie ni révolution”, a déclaré, samedi, le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok.
La police a été déployée sur les grands axes et les ponts pour empêcher les manifestants d’arriver au centre de Khartoum. Toutes les routes entourant le quartier général de l'armée dans le centre-ville ont, par ailleurs, été fermées avec des barbelés et des blocs en béton, selon un journaliste de l'AFP.
“Le coup d'État a coupé la route à la transition démocratique: avec lui, les militaires ont pris le contrôle total de la vie politique et économique”, affirme à l'AFP, Achraf Abdelaziz, patron du quotidien indépendant Al-Jarida.
“Avec le putsch et la suppression de l'aide internationale en rétorsion, l'appareil sécuritaire l'a emporté sur les institutions politiques. Or, pour mener une transition démocratique, il faut que le politique soit le moteur”, dit encore M. Abdelaziz.
Pour Khaled Omer, ministre évincé lors du putsch et cadre des Forces de la liberté et du changement (FLC), le fer de lance civil de la “révolution”, ce putsch donne “l'occasion de corriger les défauts du système d'avant”.
Cet attelage avait rallié en 2019 sous une même bannière anti-Bachir civils, militaires et paramilitaires, rejoints en 2020 par les rebelles des régions reculées du pays.
Mais si l'union sacrée a fait long feu – les civils entendaient récupérer seuls le pouvoir sous peu, les militaires ont imposé la prorogation pour deux ans du mandat du général Burhane à la tête de facto du pays – les civils n'ont, jusqu'ici, pas présenté de plan d'action, ne cessent de répéter les diplomates qui les rencontrent régulièrement.
R. I./ AFP