L’ONG s’inscrit dans l’optique de la France, déclarée indésirable au Mali, et plus généralement de l’Occident qui voit une menace en la présence russe dans le pays. Malgré les assurances des autorités maliennes, l’on continue à pointer du doigt la société privée russe de sécurité Wagner.
Les soldats maliens associés à des combattants étrangers, présumés être russes, ont exécuté sommairement 300 civils, dont certains qu'ils soupçonnaient d'être des terroristes, fin mars, dans une localité du centre du pays, dénonce Human Rights Watch (HRW). Dans un rapport publié hier, l'ONG décrit un massacre perpétré sur plusieurs jours entre le 27 et le 31 mars dans la localité de Moura, entre Mopti et Djenné, dans une région qui est l'un des principaux foyers des violences sahéliennes.
Ces faits sont "le pire épisode d'atrocités" commises depuis le déchaînement des violences au Mali en 2012, dit HRW, qui cite 27 personnes informées des évènements, dont 19 survivants et témoins. Aucune réaction à ce rapport n'a été obtenue dans un premier temps des autorités, dominées par les militaires qui ont pris le pouvoir par la force, en 2020.
Alors que les messages se multipliaient sur les réseaux sociaux, elles ont donné vendredi une toute autre version des évènements de Moura, parlant d'opération qui avait permis d'abattre 203 membres de "groupes armés terroristes" et d'en arrêter 51 autres. Elles se sont inscrites en faux contre des "spéculations diffamatoires".
Mais la mission de l'ONU au Mali, les Etats-Unis, l'Union européenne et la France ont exprimé leur préoccupation devant les informations remontant de Moura. "Le gouvernement malien doit de façon urgente et impartiale ouvrir une enquête sur ces meurtres de masse, y compris sur le rôle de soldats étrangers", dit Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à HRW. Pour la crédibilité de ces investigations, les autorités doivent se faire assister de l'Union africaine et des Nations unies, dit-elle.
Les événements de Moura ont commencé le 27 mars par l'arrivée en hélicoptère de soldats en pleine foire aux bestiaux, dit HRW. Les soldats auraient alors échangé des tirs avec une trentaine d'islamistes armés qui se trouvaient dans la foule; plusieurs islamistes, quelques civils et deux soldats étrangers auraient été tués.
Moura est décrite comme une localité passée, comme beaucoup d'autres au Mali, sous la coupe de groupes affiliés à Al-Qaîda. Avec des renforts transportés par hélicoptère, les soldats maliens et étrangers ont pris le contrôle de Moura, relatent les témoins cités par HRW.
Les soldats auraient ratissé la localité, "exécutant" un certain nombre de personnes et en capturant des centaines d'autres. Les jours suivants, ils auraient exécuté par balles et par petits groupes des dizaines de captifs, peut-être en fonction de leur tenue vestimentaire ou parce qu'ils portaient la barbe selon des règles édictées par les terroristes, ou en raison de leur appartenance ethnique.
"La grande majorité" des hommes, exécutés aussi bien par des soldats maliens que blancs, étaient Peuls, un groupe dans lequel les terroristes ont largement recruté, dit HRW. "Tuer délibérément ou maltraiter un individu en détention est un crime de guerre", dit HRW.
Des civils ont été forcés de creuser des fosses communes avant d'être exécutés, ajoute l’ONG de défense des droits humains. Certaines dépouilles ont été brûlées au point d'être méconnaissables.
R. I./ AFP