Des panneaux en béton d’une hauteur de 4 mètres. Des murs qui vont s’étendre jusqu’aux Andalouses en passant certainement par Bousfer-Plage, devenue une rampe de lancement pour les harraga, au même titre que Cap Falcon, Corales, Coste ou encore Cap Lindlès. Ce bétonnage a surpris les riverains en particulier et les Oranais en général, restés incrédules face à une telle situation qu’ils qualifient de “crime contre l’environnement”.
L'opération de bétonnage des accès à des plages de la daïra côtière d’Aïn El-Turck se poursuit. Après la plage de Trouville et Bomo-Plage, c’est au tour de la Grande-Plage de recevoir, depuis jeudi dernier, les équipes de Cosider qui procèdent à l’installation de panneaux en béton d’une hauteur de 4 mètres. Des murs qui vont s’étendre jusqu’aux Andalouses en passant certainement par Bousfer-Plage, devenue une rampe de lancement pour les harraga, au même titre que Cap Falcon, Corales, Coste ou encore Cap Lindlès.
Si ces pans de mur ne sont pas érigés tout le long de la côte, ils concernent, comme nous l’avons constaté de visu, les escaliers donnant accès directement aux plages qui peuvent être, théoriquement, utilisés par les réseaux de passeurs de harraga. Ainsi, ces accès sont systématiquement condamnés des deux côtés, laissant une ouverture pour le passage d’une personne au maximum. Des espaces qui seront probablement placés sous vidéosurveillance, l’objectif présumé étant de créer un goulot d’étranglement à même d’interdire le passage aux embarcations des passeurs.
Ce bétonnage a surpris les riverains en particulier et les Oranais en général, incrédules face à une telle situation. “Crime contre l’environnement”, “Dégradation du paysage marin”, “Où sont les associations ?”, “Que font les autorités ?”..., si les interrogations autour du sujet sont légion, les réponses se font toujours attendre, en l’absence d’une réaction officielle de qui de droit.
En effet, devant la levée de boucliers citoyenne exigeant l’arrêt des travaux et la suppression de ces panneaux, rien ne vient étayer les raisons qui ont poussé ces murs à éclore. La réponse la plus manifeste, qui revient comme un leitmotiv, est la lutte contre les organisations criminelles spécialisées dans l’organisation de traversées clandestines par mer.
Une évidence qui reste, néanmoins, au stade de l’hypothèse tant l’identité du maître d’ouvrage est encore anonyme ou du moins devinée. Si des voix réprobatrices se sont élevées, accusant les autorités locales d’être derrière cette décision qualifiée aussi d’“insensée”, il semblerait qu’elle échappe à leur compétence puisque, de par son importance et sa portée, elle ne peut avoir été prise qu’en haut lieu. Pour preuve, hormis quelques relais autorisés, aucun responsable ou élu local n’a daigné commenter cette affaire.
Effectivement, on ne peut que s’accorder sur les raisons sécuritaires d’une telle décision pour tenter d’endiguer le phénomène de la harga, mais les citoyens estiment que cette mesure dissuasive est disproportionnée et participe à alimenter ce sentiment de punition collective qui veut que la collectivité paye pour quelques individus en marge de la loi.
Épicentre de la harga
Il ne fait plus aucun doute que l’épicentre de la migration irrégulière se situe au niveau des côtes ouest et notamment oranaises, cependant, les réseaux de passeurs derrière, particulièrement les “go fast”, sont déjà sur place, disposant d’une importante base logistique entre rigides et semi-rigides munis de puissants moteurs de 200 à 300 CV pour certains, pouvant rallier les côtes espagnoles en moins de quatre heures. Ces embarcations sont abritées dans des garages à bateaux loués au prix fort.
Ainsi, le nombre de glisseurs qui circulent dans la région, non loin du large, est impressionnant lorsque la météo est clémente. Ces bateaux rapides, dotés généralement de moteurs de 115 CV, font office de “taxis” payés par les passeurs pour récupérer, pendant la journée, les harraga des différents points de la côte chevauchant les communes d’Aïn El-Turck, de Bousfer et d’El-Ançor. Ils sont ensuite regroupés dans un endroit précis avant leur embarquement, le soir tombé, dans des go fast. Parmi ces “dépôts”, l’île aux Rats, à une dizaine de minutes à l’ouest de Cap Falcon.
Selon des témoignages, les riverains assistent à une circulation incessante de glisseurs pilotés par des hommes encagoulés ou dissimulant leur visage derrière des masques et autres lunettes de soleil. Ces bateaux rapides en polyester ne sont pas immatriculés pour éviter d’être identifiés. On évoque une nouvelle technique des passeurs qui travaillent dorénavant avec des sous-traitants moyennant 100 000 DA par passager.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que les autorités optent pour cette méthode pour empêcher le passage des embarcations des passeurs de harraga, puisque les rampes d’accès pour bateaux au port de Mers El-Hadjadj ont été condamnées. Nonobstant toutes ces mesures, les dernières opérations sécuritaires contre ces réseaux de passeurs à Aïn El-Turck indiquent que la tentation criminelle est grande au vu des sommes faramineuses engrangées.
En l’espace d’une semaine, deux réseaux de passeurs ont été démantelés par la police avec l’arrestation de dix personnes, alors que dernièrement, la Gendarmerie nationale a appréhendé six individus et saisi 12 bateaux et des moteurs d’une puissance variant entre 100 et 250 chevaux.
Pour le moment, la crainte citoyenne est de voir ces murs s’ériger un peu partout, de Ténès à Aïn Témouchent, en passant par Mostaganem et Oran, impactant durablement le seul atout de ces régions côtières.
Réalisé par : SAÏD OUSSAD