Entre autres revendications, les agents de la Protection civile demandent l’augmentation du salaire de base (15 660 dinars) et le point indiciaire, fixé depuis des années à 45 dinars.
Des centaines d’agents de la Protection civile ont manifesté, hier, à Alger, où ils ont marché de la place du 1er Mai jusqu’au siège de leur direction générale, à Hydra, malgré une tentative des forces de sécurité de leur barrer la route au niveau de la rue Souidani-Boudjemâa à proximité de l’hôtel El-Djazaïr. Smaïl, les yeux cernés, les lèvres sèches, a rejoint ses collègues quelques minutes avant le départ de la marche, après avoir fini son service de 24 heures à Boumerdès.
Ni la fatigue ni la chaleur de ce début mai et encore moins le jeûne n’ont entamé sa détermination et celle de ses collègues, agents de la Protection civile, venus de toutes les wilayas du pays. Certains sont arrivés la veille de cette manifestation “pour réclamer le respect de notre dignité, avant tout”, crie un agent de la Protection civile au niveau de l’avenue de l’Indépendance, le visage creusé par vingt-cinq années d’interventions contre les feux de forêt et sur les terrains boueux des hivers rugueux de certaines villes du pays qu’il dit avoir sillonnées.
Armé d’une béquille, Messaoud, pompier à Blida, n’a voulu non plus rater cette “marche pour la dignité” et il a échappé de peu aux gaz lacrymogènes et aux balles en caoutchouc qui ont plu sur eux à leur arrivée devant un mur de policiers antiémeute, à proximité de l’hôtel El-Djazaïr (ex-Saint-George), aux environs de 11h. “Silmiya silmiya”, “Merci”, scandaient les pompiers, expliquant parallèlement qu’ils n’ont pas l’intention de monter au siège de la Présidence, mais vers celui leur direction générale.
Rien à faire. Ce bref accrochage avec les policiers s’est poursuivi pendant quelques instants jusqu’à ce que les pompiers ouvrent une brèche et arrivent à poursuivre leur marche vers Hydra. L’odeur du vinaigre et surtout les particules des gaz lacrymogènes continuaient de picoter les narines des passants des centaines de mètres plus loin du lieu où les policiers ont chargé.
Les manifestants se sont scindés en plusieurs groupes avant de reformer leur cortège au niveau de la rue El-Bitoum (ex-La Colonne), à quelques centaines de mètres du siège de leur direction générale. Stationnés au milieu de l’avenue de Pékin, des fourgon bondés des forces antiémeute bloquaient le passage à tout véhicule venant ou allant vers le siège la Présidence.
Ce dispositif policier a été également déployé au niveau de chaque rue ou passage menant vers la Présidence, les automobilistes n’ayant d’autre choix que de prendre leur mal en patience.
Au milieu de cette attente, certains en profitent pour échanger avec d’autres automobilistes sur cette colère qu’ils qualifient de “légitime” de ce corps d’intervention, en alerte de jour comme de nuit, avec des salaires que les pompiers veulent voir augmenter, à commencer par le salaire de base (15 660 dinars) et le point indiciaire, fixé depuis des années à 45 dinars. Arrivés devant le siège de la direction générale, les pompiers se sont donné le mot de ne rien négocier jusqu’à ce qu’un de leur collègue soit libéré.
“Liberez Merouane”, scandaient les pompiers à l’adresse de deux responsables de la direction générale, avant de leur tourner le dos, en signe de refus de toute discussion avec les deux émissaires qui ont aussitôt disparu derrière une quarantaine de policiers antiémeute sur le qui-vive. “Merouane est placé sous contrôle judiciaire et il est obligé de pointer tous les dimanches au commissariat.
Il a été arrêté hier et libéré à deux heures et ce matin, il a été de nouveau arrêté”, expliquent les pompiers, imperturbable et en chœur à dénoncer ce qu’ils qualifient de “syndicat illégitime”. “Maranach habssin, hetta njibou el-houqouq” (on ne s’arrêtera pas jusqu’à ce qu’on arrache nos droits), “ce sont nos droits, pas des revendications”, scandaient de temps à autre les protestataires, dont beaucoup devraient reprendre le service ce matin. “Nous exigeons la réintégration de nos 36 collègues injustement licenciés”, “primes de contagion avec effet rétroactif”, “revoir le statut particulier”, étaient aussi autant de revendications inscrites sur des pancartes.
Entamée par les agents de la Protection civile de Zemirli (El-Herrach), le 18 avril, cette contestation s’est ensuite étendue à toutes les villes du pays le 25 du même mois. Croisé de nouveau lors du sit-in devant la direction générale de la Protection civile, Smaïl avait encore la même détermination, une bouteille de vinaigre accrochée à la ceinture et tenant entre ses mains la douille d’une bombe lacrymogène qu’il avait ramassée une heure auparavant.
Lyès MENACER