Site naturel et hautement historique surplombant la ville de Béjaïa à 672 mètres d’altitude, l’imprenable forteresse de Yemma Gouraya ne cesse de se dégrader au fil des ans, sous le regard indifférent des autorités publiques.
C’est l’un des sites les plus populaires et les plus visités en Algérie, mais la négligence des hommes conjuguée aux caprices de la nature ont fini par l’éroder au fil des ans. En effet, des pans entiers du mausolée de la légendaire sainte patronne Yemma Gouraya, qui fait partie de cet inestimable patrimoine culturel et historique de l’ancienne capitale des Hammadites, se sont effondrés à la suites des intempéries.
Des murettes en pierre de taille lézardées, des cloisons ployant sous le poids des ans, des amas de décombres composés de débris de pierres et de briques…, c’est l’image désolante, dans toute son étendue, qui s’offre au visiteur. Des pans de l’histoire d’une ville plusieurs fois millénaire qui tombent ainsi en ruine dans l’indifférence totale.
Hormis les réactions de quelques citoyens qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme à travers les réseaux sociaux, tout en dénonçant la passivité des pouvoirs publics, aucune action concrète n’a été jusque-là entreprise sur le terrain : ni par le mouvement associatif ayant pourtant vocation de sauvegarder et de promouvoir le riche patrimoine historique de la ville séculaire de Bougie, ni par les élus locaux et encore moins par les représentants de l’administration.
Interrogé hier par nos confrères de la radio Soummam sur les éventuelles mesures que devrait entreprendre son institution, le directeur de la culture et des arts de la wilaya de Béjaïa, Omar Reghal s’est contenté de rappeler que l’Assemblée populaire communale de Béjaïa a déjà dégagé une somme de 60 millions de dinars dans le cadre de son budget supplémentaire de l’année écoulée, afin de prendre en charge les travaux de consolidation et de restauration de trois sites historiques de la ville dont le Fort de Gouraya.
Outre ce fort, dont le lancement des travaux de confortement et de sécurisation des lieux constitue une urgence, le premier responsable du secteur de la culture à Béjaïa cite les deux tourelles, Bab el-fouka et la Porte sarrasine, qui nécessitent, elles aussi, des opérations de réhabilitation. Mais cette information donnée par M. Reghal est, toutefois, à prendre avec des pincettes, puisque les responsables de l’APC de Béjaïa affirment que, pour le moment, aucune enveloppe financière n’a été allouée officiellement.
“I l était question de dégager une importante somme d’argent pour la restauration de certains sites historiques de la ville, mais la proposition de notre assemblée n’est pas encore approuvée. Donc, c’est de la pure spéculation”, a déclaré, hier à Liberté, Mme Saïda Hamma, vice-présidente de l’APC de Béjaïa, chargée de la culture et du sport.
“À vrai dire, ce genre d’opération n’est pas à la charge de l’APC. Les travaux de restauration et de rénovation des monuments historiques doivent être pris en charge par la direction de la culture, mais si cela ne se fait pas, nous serons obligés de mettre la main à la poche.
Car, nous ne pouvons laisser notre patrimoine culturel et historique se dégrader sous l’effet des intempéries”, soutient-elle. “Bien que le Fort de Gouraya soit situé à l’intérieur de notre réserve de biosphère, nous ne sommes pas habilités à engager des travaux de restauration ou de confortement de ce site naturel et historique. Il est du ressort de la direction de la culture ou, à un degré moindre, de l’APC de Béjaïa”, précise Rabah Boutekrabt, un cadre du Parc national de Gouraya (PNG).
Selon notre interlocuteur, les mauvaises conditions météorologiques, principalement la pluie et le vent, demeurent l’un des facteurs de dégradation de ce site hautement historique. Des facteurs qui, selon des experts en la matière, accélèrent le phénomène d'érosion éolienne et hydrique.
Classé patrimoine national par le ministère de la Culture en 2009, le Fort de Gouraya date de la période médiévale. Construit par les Espagnols au XVIe siècle sur des vestiges de la capitale hammadite, le site a été par la suite réaménagé par les Turcs et les Français. Il a constitué un point de vigie par excellence qui veille sur toute la région.
Selon la légende populaire, ce promontoire abrite la sépulture de la sainte patronne de la ville de Béjaïa, Yemma Gouraya (protectrice de la montagne), la sœur de Yemma Mezghitane, sainte patronne de Jijel, et de Yemma Timezrit, sainte patronne de Timezrit. Il faut dire que la mise en œuvre d’un plan de restauration de ce site, qui constitue un véritable point de chute pour les touristes, est plus qu’urgent.
Plusieurs monuments historiques et sites archéologiques de la wilaya de Béjaïa sont, aujourd’hui, laissés à l'abandon. Parmi ces vestiges en décrépitude, on peut citer les sites berbéro-romains situés dans la daïra d'El-Kseur, tels que l'aqueduc de Toudja ayant plus de 2000 ans d'existence, la ville antique de Tubusuctu (Tiklat) et la citadelle médiévale de Temzizdekt (Lessouar).
KAMAL OUHNIA