Alger : À la recherche de votants
Baromètre de la vie politique nationale, la capitale n’a pas connu une grande poussée électorale. Ils étaient très peu nombreux à se rendre aux urnes.
Après avoir rangé sa carte électorale, Messaouda est sortie aussi vite qu’elle était entrée dans l’un des soixante bureaux de vote aménagés à l’intérieur du célèbre lycée Émir-Abdelkader, à l’occasion du scrutin législatif anticipé d’hier. “On m’a demandé de venir voter et je l’ai fait”, répond laconiquement cette sexagénaire, mère d’un candidat sur une liste indépendante, pour expliquer ses motivations.
“Je suis un militaire !”, explique, pour sa part, un jeune, la vingtaine, pour justifier les raisons de l’accomplissement de son acte électoral, avant de disparaître dans la cage d’escalier menant vers la sortie de cet emblématique établissement, en contrebas du mausolée Sidi-Abderrahmane. En cette matinée d’un samedi caniculaire, peu de gens se bousculaient au portillon de ce centre. Les rares électeurs qui ont glissé leur bulletin dans l’urne se comptaient sur les doigts de la main. “Depuis ce matin, il n’y a eu que neuf votants sur près de deux cents inscrits”, affirme un agent, sourire en coin, précisant sans la moindre pointe d’étonnement que “de 8h à 10h, il n’y a pas eu un seul électeur”.
Un étage plus haut, un autre bureau avait enregistré à peine cinq votants à 14h, nous confie un autre agent, soulignant que “les gens qui ont voté l’ont fait pour des proches ou des amis engagés dans ces élections”.
À quelques encablures de là, à Bab El-Oued, cœur de la révolution populaire et où à chaque coin de rue est stationné un véhicule de la police, les habitants vaquaient à leurs occupations dans une indifférence quasi générale. Les affiches déchirées qui ornent les panneaux témoignent par certains aspects de l’attitude de rejet que voulaient peut-être exprimer les habitants de ce quartier mythique, en plus du vide sidéral que l’on pouvait également constater dans les centres de vote visités durant la matinée et en début d’après-midi.
À l’école primaire Mohamed-Boudiaf, le chef de centre a exigé une accréditation aux journalistes pour accéder aux bureaux de vote aussi déserts que ceux d’un autre établissement primaire, où les bulletins de vote étaient faciles à compter à travers les urnes tranparentes. “C’est connu, à Bab El-Oued, on ne vote pas”, lâche un agent chargé de l’encadrement du scrutin, devant des collègues qui se voulaient plutôt rassurants quant à un taux de participation plus élevé en fin de journée. “Vous le savez, les gens aiment venir voter le soir !”, tente de tempérer Halim, visiblement gêné par les propos de son collègue.
Pourtant, la même désaffection est constatée partout dans les autres centres de vote ouverts à Bab El-Oued, tout comme à Alger-Centre et dans les autres quartiers populaires de la capitale, où les partisans du Hirak pouvaient exercer leur droit au boycott sans être réprimés, au lendemain d’un quatrième vendredi sans marche à Alger. À Belouizdad, autre quartier populaire, fief du Hirak dans la capitale, faute d’engouement des électeurs, de jeunes fonctionnaires de la mairie, mobilisés pour l’occasion, tentaient de lutter contre l’ennui en sirotant un thé ou un café face à des observateurs de parti, têtes plongées dans leur smartphone, ne faisant même pas attention à notre présence. La tête posée sur les bras, deux fonctionnaires se sont carrément laissés aller à un petit somme dans un autre bureau où s’entassaient des piles de bulletins des trente-six listes, en lice à Alger.
“Le peu de votants est venu ce matin. La plupart sont des personnes âgées”, reconnaît Amel, avec un air de regret quant à la situation politique qui a poussé les Algériens à rejeter en masse les différentes échéances électorales, notamment celles organisées depuis le début de la révolution populaire du 22 Février 2019.
Lyès Menacer
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