En trente années de fidélité et de loyauté pour le journal “Liberté”, j’ai eu le bonheur de découvrir des pays lointains et mythiques comme l’Afrique du Sud de Nelson Mandela, l’Australie terre sacrée des kangourous et des aborigènes et le Brésil du “roi Pelé”, comme j’ai connu des stars mondiales de la chanson et de grandes vedettes du football planétaire.
Comme pour paraphraser l’illustre écrivain Mouloud Feraoun, disons que je me souviens comme si cela datait d’hier de mon entrée à… Liberté ! C’était au printemps 1992 où l’éclosion d’une presse privée en Algérie était accueillie avec beaucoup de joie, d’espoir et de fierté par des millions d’Algériens. Il faut dire qu’un tel avènement ouvrait de nouveaux horizons pour un peuple assoiffé de démocratie et de… Liberté ! Comme le hasard fait bien les choses, je me rappelle avoir assisté au mois d’avril 1992, au cimetière de Tizi Ouzou, aux obsèques de notre cher et regretté confrère Rabah Afredj, un doyen de l’APS qui fut l’un des tout premiers journalistes qu’avait enfantés la ville des Genêts. Et quelle ne fut pas ma surprise de rencontrer, à l’occasion, un ami d’enfance que j’avais connu à la fin des années 1950 au lycée de Tizi Ouzou, en l’occurrence Ahmed Fattani, lui aussi figure de proue de la presse nationale et de l’APS, qui me fit part du projet de lancement d’un journal indépendant dénommé Liberté, qu’il devait piloter avec quelques anciens journalistes, tout en me proposant de rejoindre son équipe pour couvrir toute l’actualité politique, culturelle et surtout sportive en Kabylie ! J’avoue que j’avais quelque peu hésité du fait que j’étais surbooké, à l’époque, par mes obligations professionnelles d’inspecteur de l’enseignement de langue française et de correspondant de la Radio nationale Chaîne III, mais je n’ai pu refuser, par contre, une invitation au nouveau siège de Liberté, situé à l’époque à la place Émir-Abdelkader, à Alger. Sur place, j’étais emballé par les gros moyens matériels du journal et surtout une équipe rédactionnelle de haute lignée. C’est ainsi que j’avais fait la connaissance de deux éminents journalistes que je ne connaissais que de réputation, en l’occurrence Hacène Ouandjeli et Ali Ouafek, eux aussi cofondateurs du journal avec Ahmed Fattani, aux côtés du chef d’entreprise Issad Rebrab. Je sympathisais aussitôt avec des gens lettrés, braves et rompus au dur métier de journaliste comme Zoubir Ferroukhi, le regretté Hocine Djebrane et Ahmed Ben Allam, qui couvaient toute une flopée de jeunes “plumitifs”, tout heureux de se lancer dans une carrière passionnante.
Une belle aventure d’une trentaine d’années à “Liberté” !
Partant de là, je fus donc embarqué, moi aussi, dans cette très belle aventure, mais j’avoue que je n’aurais jamais imaginé qu’un tel rêve allait durer… trente ans ! C’est ainsi que j’ai eu l’honneur de rédiger mon premier papier sportif pour Liberté dès son premier numéro, paru exactement le 27 juin 1992, date à laquelle j’avais commenté la victoire de la JS Kabylie en finale de Coupe d’Algérie face à l’ASO Chlef, acquise le 25 juin 1992 au stade Ahmed-Zabana en présence du regretté président Mohamed Boudiaf qui venait d’effectuer une tournée officielle de quatre jours dans l’Oranie, avant d’être lâchement assassiné… quatre jours plus tard lors d’un meeting qu’il devait animer à la Maison de la culture d’Annaba. Ce premier papier rédigé pour Liberté avait une grande symbolique pour moi car notre nouveau journal avait réservé une large place au cérémonial présidé par le défunt président qui accordait une grande importance à la jeunesse algérienne et était considéré comme “le sauveur de l’Algérie”, au moment où le pays était réellement au bord du précipice.
Au début, Liberté n’avait pas encore de bureau à Tizi Ouzou et j’avais dû entamer cette longue et belle aventure chez moi et ce, après avoir emprunté un téléfax auprès de mon grand ami Saïd Selhani, ancien directeur des sports à l’APS, qui venait de lancer une boîte de communication dénommée Média-Fax à la Maison de la presse Tahar-Djaout. Je me souviens que, ce jour-là, j’avais eu beaucoup de mal à faire fonctionner ce téléfax qui était un machin tout nouveau pour moi qui étais habitué au courrier postal et au téléphone en PCV du temps où j’étais correspondant d’El Djoumhouria d’Oran dans les années 1970 puis de l’hebdomadaire sportif El Hadef de Constantine des années 1980.
À la découverte de pays mythiques, d’artistes et de grands champions !
Eh oui ! Depuis la naissance de Liberté, en juin 1992, jusqu’à ce mois fatal d’avril 2022, j’ai vécu une tranche de vie merveilleuse car faite de trois décennies de joie et de peine, de satisfaction et parfois de déception, mais aussi de découverte de personnes humbles et attachantes, de grands artistes comme les regrettés Matoub Lounès et Idir, la diva Nouara, l’illustre Lounis Aït Menguellet, le maestro Amar Zahi ou encore les défunts Guerouabi et Boudjemâa El-Ankis, sans oublier le célèbre chanteur malien Salif Keïta, la star burkinabè Black So Man ou encore la vedette de la chanson ivoirienne Gadji Celi qui fut jadis un grand footballeur et capitaine des Éléphants de Côte-D’ivoire dans les années 1990. Grâce au journal Liberté, j’ai pu accoster aussi de grandes icones du football mondial comme Michel Platini, que j’avais eu l’honneur d’interviewer en exclusivité lors de la CAN 1998 à Ouagadougou, puis j’ai pu aborder Zinedine Zidane au Stade de France à l’occasion du fameux match France-Algérie du 6 octobre 2001qui avait malheureusement dérapé en seconde mi-temps, puis encore Leo Messi du temps de l’inoubliable match amical Algérie-Argentine disputé le 5 juin 2007 dans le temple mythique du Camp Nou, à Barcelone, où la “Pulga” venait de boucler à peine ses vingt ans, puis le sympathique Blaise Matuidi, capitaine du PSG et de l’équipe de France, qui m’avait accordé un bel entretien le 15 octobre 2016 à l’occasion de la finale de la Danone Cup qu’il avait parrainée. Grâce à Liberté, j’ai pu côtoyer aussi des monstres du football africain lors des CAN 1998 au Burkina Faso et 2002 au Mali tels que le Sud-Africain Mark Fish, qui évoluait à Naples, et son compatriote Benedict McCarthy, jadis star à Ajax puis au FC Porto.
J’ai éprouvé aussi du plaisir à interviewer le buteur camerounais Roger Mila, sans oublier les deux gardiens volants Thomas Nkono et Joseph Antoine Bell, mais aussi Patrick Mboma et le défunt Marc Vivien Foé, avec lesquels on s’était lié d’amitié à Bamako, mon regretté frère et confrère Ahmed Achour et moi, lors de la finale Cameroun-Sénégal de 2002, tout comme les Sénégalais El-Hadji Diouf et Khalilou Fadiga, l’ami intime de Moussa Saïb à Auxerre.
Je garde aussi d’excellents souvenirs de l’attaquant égyptien Hassan Houssam et de son gardien de but Ahmed Shobeir, devenu consultant sur Nile TV, sans oublier le défenseur ivoirien Basile Boli, devenu consultant TV aussi. J’ai eu aussi l’immense privilège d’être reçu par le célèbre “Ballon d’or” africain Salif Keïta dans son majestueux hôtel Mandé situé au bord du fleuve Djoliba, à Bamako, où il m’a beaucoup parlé de son “tonton” Rachid Mekhloufi qui l’avait adopté à Saint-Étienne et du grand Lalmas qu’il vénérait. C’est quand même fou de voir défiler toutes ces “sagas” africaines sans oublier toutes les conquêtes continentales de la JSK, les fameux Jeux africains de 1999 au pays de Mandela, les jeux Olympiques de Sydney 2000 dans la lointaine Australie, mais aussi les Jeux méditerranéens 2009 de Pescara, en Italie, et, pour terminer la boucle, quel pèlerinage j’ai vécu au Brésil, la “Mecque du football”, lors du Mondial 2014 où nos vaillants Fennecs, menés par “Captain Vahid”, avaient défrayé la chronique et charmé le doux pays du “roi Pelé”, en se qualifiant au second tour de l’épreuve aux dépens de la puissante Russie, pourtant coachée par un certain Fabio Capello ! N’est-ce pas qu’il est dur et certainement frustrant de relater ces moments forts et mémorables au moment où notre cher Liberté va devoir mettre la clé sous la porte ? Oui, la messe est dite, et le fait accompli est là avec son lot de tristesse et de désolation !