L’Algérie a-t-elle des capacités d’exportation agricoles ? “Dans l’absolu, la réponse ne peut être que positive”, estime l’étude intitulée “De la sécurité à la souveraineté alimentaire”, présentée récemment par le Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC).
Selon le résumé de l’étude, “les prix élevés qui prévalent sur les marchés locaux des fruits et légumes montrent de fortes tensions entre l’offre et la demande”. L’étude fait remarquer que “les excédents de fruits et légumes observés ici et là sont trompeurs, car de nombreux ménages algériens aux revenus modestes ne peuvent accéder à des fruits ou légumes (exception faite de la pomme de terre) dont les niveaux de prix sont élevés”.
Par ailleurs, les dysfonctionnements des marchés se traduisent simultanément par des excédents saisonniers dans des bassins de production et des déficits dans les grands bassins de consommation. “En dépit des efforts déployés ces dernières années, les objectifs relativement modestes d’exportation qui avaient été fixés par le plan Filaha à l’horizon 2019 –71 000 tonnes de pomme de terre, 25 000 tonnes de tomate industrielle, 5 millions de litres d’huile d’olive, 200 000 hectolitres de vin, 60 000 tonnes de dattes et accessoirement fraises, abricot miel et oeufs – n’ont pu être réalisés”, relève l’étude.
Dans les stratégies d’exportation, explique-t-on, le recours au calcul économique (coûts/bénéfices) reste à faire, car le contenu en importation et les coûts en devises de la production agricole (engrais, semences, moyens matériels importés…) restent importants ; les filières agricoles bénéficient également de soutiens de l’Etat (portant sur l’utilisation des engrais, de l’énergie ou de l’eau…). “Exporter ces produits subventionnés et à fort contenu d’importation reviendrait à transférer aux consommateurs étrangers les bénéfices de ces dépenses publiques nationales”, estime l’étude.
L’analyse des facteurs de compétitivité et d’exportation montre aujourd’hui qu’il ne sera raisonnable de penser à une stratégie d’exportation qu’une fois assurée définitivement la couverture du marché intérieur à des prix stabilisés et compatibles avec le pouvoir d’achat des consommateurs les plus modestes.
Toutes les études portant sur les avantages comparatifs démontrent que l’Algérie n’est pas compétitive pour tous les produits qui avaient été inscrits dans les projets d’exportation à l’horizon 2019.
Selon une étude du Conseil oléicole international (INRAA, 2015) le coût moyen pondéré de production d’un litre d’huile d’olive en Algérie (4,7 dollars le litre) est sensiblement supérieur à la moyenne (3,63 dollars le litre). Selon une enquête récente portant sur la consommation de l’huile d’olive de Kabylie, celle-ci correspond certes “aux goûts des consommateurs régionaux et nationaux, mais ne correspond pas aux normes établies à l’international”.
L’enquête révèle enfin que les freins à l’export de cette huile sont liés à la qualité, au conditionnement et à la quantité. Les résultats de cette enquête convergent avec l’étude de l’observatoire des filières agricoles et agroalimentaires de l’INRA-Algérie, qui signalait que plus de la moitié des capacités de transformation est toujours représentée par des huileries traditionnelles, caractérisées par un faible rendement et offrant des huiles de mauvaise qualité, dont 95% sont conditionnées dans des bouteilles en plastique.
“Les études de l’INRA-Algérie montrent que les coûts de production de la pomme de terre des pays voisins (Maroc ou Tunisie) sont plus bas, les rendements plus élevés, ce qui permet à cette filière d’être plus compétitive sur les marchés extérieurs que la pomme de terre locale (Observatoire national des filières agricoles, 2013)”, fait savoir l’étude.
Les mêmes observations relatives à la faible compétitivité sont faites pour la tomate industrielle et les fruits (fraises, abricots...). Le score le plus remarquable pour les exportations agricoles a été enregistré en 2016 avec 1,1% du total des exportations et moins de 400 millions de dollars. “Seulement deux produits agricoles occupent une place significative dans les postes d’exportation : le sucre (près de 75% en valeur) et les dattes”, indique l’étude.
Le potentiel d’exportation de produits de qualité et les opportunités d’export pour les produits à forte identité qui sont en excédent (produits de niche et produits à haute valeur ajoutée, produits en extra-primeur, vins en appellations d’origine contrôlée) ne peut se déployer, estime-t-on, que si l’Algérie perfectionne, d’une part, le cadre réglementaire relatif aux normes sanitaires alignées sur les standards internationaux, et ses capacités techniques (laboratoires de contrôle et de certification, emballages, conditionnement, marketing...) et organisationnelles (compétences et rôle des organisations professionnelles) d’autre part.
L’amélioration de la productivité et des rendements des cultures obtenue par une baisse des coûts de production constitue, en dernier ressort, un moyen privilégié dans la construction des avantages comparatifs, dans le processus de promotion des exportations agricoles et de conquête des marchés extérieurs.
M. R.