Économie L’organisation patronale a présenté hier une étude

La CAPC pointe le défi de la souveraineté alimentaire

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Meziane RABHI Publié 27 Mars 2022 à 10:25

Omar Bessaoud, professeur d’économie agricole à l’Institut d’agronomie méditerranéen de Montpellier. © Liberté
Omar Bessaoud, professeur d’économie agricole à l’Institut d’agronomie méditerranéen de Montpellier. © Liberté

Les objectifs pour réaliser une sécurité alimentaire durable dépendent étroitement de la capacité du pays à se doter d’une stratégie de développement, d’une politique industrielle, en d’autres termes d’une économie diversifiée fondée sur la mobilisation d’une main-d’œuvre qualifiée et de techniques avancées.

Les crises sanitaire et géopolitique questionnent aujourd’hui le modèle de croissance agricole suivi jusque-là par l’Algérie. Ces crises appellent non seulement à renforcer les bases productives du secteur agricole, à réduire le déficit des productions stratégiques (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), mais aussi à renforcer l’autonomie du secteur agricole et agro-alimentaire par rapport aux marchés extérieurs. C’est ce que relève une étude intitulée “De la sécurité à la souveraineté alimentaire” présentée, hier à l’hôtel El-Aurassi, par la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) et réalisée par Omar Bessaoud, professeur d’économie agricole à l’Institut d’agronomie méditerranéen de Montpellier. “Garantir la disponibilité de l’offre alimentaire — et notamment du blé dur, du lait et de la pomme de terre — constitue le principal enjeu de la souveraineté alimentaire”, estime l’étude. 

Cette approche, souligne-t-on, “pose l’exigence d’une sortie de la logique de l’urgence, de la culture de l’immédiateté de l’action publique pour envisager enfin un changement de paradigme économique et technique”. Omar Bessaoud affirme, d’emblée, que l’Algérie n’a pas été confrontée à des situations d’insécurité alimentaire. “L’offre agricole nationale a été régulièrement et efficacement relayée par les importations, afin d’approvisionner la population”, a-t-il relevé. Les dysfonctionnements dans les circuits de distribution intervenus depuis le déclenchement de la crise sanitaire (printemps 2020) n’ont pas remis en question la capacité de l’État à garantir cette sécurité alimentaire. Par ailleurs, il fait remarquer que “l’examen des données portant sur la prévalence de la sous-alimentation établis par les organisations internationales (FAO, PAM, Unicef, Fida, OMS) confirme des progrès spectaculaires de l’Algérie dans le domaine de la sécurité alimentaire”. 

Si l’Algérie est moins exposée à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire, “persistent, toutefois, des questions liées, d’une part, aux déséquilibres de la ration alimentaire et, d’autre part, à l’instabilité des approvisionnements alimentaires née de la crise sanitaire”, note le Pr Bessaoud. “D’un point de vue nutritionnel, le nombre d’enfants de moins de 5 ans, de personnes adultes obèses et de femmes en âge de procréer âgées atteintes d’anémie qui augmente témoigne de déséquilibres alimentaires et d’un déclin du régime méditerranéen”, fait-il savoir. La place occupée par les produits végétaux, notamment les blés, dans le régime alimentaire des Algériens, reste importante. La hiérarchie des prix favorise les déséquilibres alimentaires avec une surconsommation de calories peu chères composées de produits importés et subventionnés, et une sous-consommation de fruits, légumes frais, viande et poisson.

Sur le court et le moyen termes, laisse entendre Omar Bessaoud, la première exigence, qui s’impose dans le cadre de l’objectif de la sécurité, est d’établir un nouvel équilibre entre approvisionnements extérieurs et offre nationale, en réalisant l’autonomie alimentaire au sein de trois filières prioritaires qui ont un poids décisif sur le profil nutritionnel et alimentaire des populations. L’autosuffisance. Selon le Pr Bessaoud, la demande nationale de blés de consommation n’est couverte qu’à concurrence d’un peu plus de 25% par la production locale, le ratio de dépendance céréalière de l’Algérie étant le plus élevé de la région Afrique du Nord. Les quantités de céréales importées au cours de ces six dernières campagnes commerciales s’élèvent en moyenne annuelle à plus de 123 millions de quintaux. Les déficits portent essentiellement sur le blé tendre et le maïs. Malgré la diversification de ses fournisseurs, la pénurie mondiale d’approvisionnement a vu l’Algérie confrontée à la flambée des prix. Outre le prix du blé, il y a eu hausse du prix de l'orge et du maïs importés par l’Algérie, ce qui a eu pour effet de renchérir les prix des viandes rouges et blanches produites localement.  

“L’Algérie paiera à l’avenir plus cher ses importations alimentaires”
Selon le Pr Bessaoud, en rapport avec les incertitudes pesant sur la géopolitique mondiale, il faudra s’attendre sur le court et le moyen termes à des tensions sur les marchés mondiaux des denrées alimentaires de base avec une hausse des prix des produits agricoles. “L’Algérie paiera à l’avenir plus cher ses importations alimentaires”, prévoit-il. Les défis posés pour les céréales sont à la mesure du poids qu’elles pèsent à la fois dans la consommation alimentaire des ménages, mais aussi de leur importance dans les importations et dans la balance commerciale agricole. Omar Bessaoud plaide pour un plan de soutien à la culture du blé dur. Il estime que “l’autosuffisance en blé dur, en légumes secs (lentilles, fèves et pois chiches) et en produits laitiers sont des objectifs qui sont à notre portée”. Des progrès peuvent être faits pour accroître les productions de maïs et d’orge, afin de réduire les importations assurées par les offices d’État. Mais les déficits en blé tendre sont aujourd’hui si importants (plus de 60 millions de quintaux par an à importer) que le recours aux importations ne peut être évité. 

“Le contrôle de la production de semences céréalières est le premier chaînon de la conquête de la souveraineté alimentaire du pays”, soutien le Pr Bessaoud. Le groupe “lait et produits laitiers” occupe, après les céréales, la deuxième place parmi les produits alimentaires importés en Algérie et représente en moyenne plus de 15% de la facture alimentaire totale. Les principaux obstacles au développement de la filière sont aujourd’hui clairement identifiés. Ils concernent essentiellement la faible productivité des troupeaux laitiers (moins de 2 000 litres par vache/an), un développement insuffisant des productions de fourrages verts, une collecte insuffisante. La production dépend de l’accroissement de l’effectif de vaches laitières à haut potentiel. Omar Bessaoud suggère aux décideurs de s’inspirer de l’expérience accumulée au sein des pôles émergents de Sétif, de Tizi Ouzou ou de Souk-Ahras, mais également de l’expérience tunisienne qui a réussi en peu de temps (entre 1999 et 2002) à réaliser l’objectif d’autosuffisance dans la production laitière. Concernant la filière pomme de terre, le professeur Bessaoud pointe un problème de régulation. 

“En dépit de toutes les solutions proposées pour contourner les spéculations et maîtriser le prix de la pomme de terre, les fluctuations des prix persisteront car toute la problématique reste liée à la quantité produite et sa disponibilité au cours de certains mois de l’année”, estime-t-il. Les capacités de stockage restent limitées et n’absorbent en moyenne que 4% de la production annuelle, ce qui est un taux bien trop faible pour exercer une influence sur les prix du marché. Omar Bessaoud évoque la nécessité d’atteindre un taux de stockage de 25 à 30%. Il estime, par ailleurs, que l’approche concernant l’agriculture saharienne “n’est pas réaliste”. Les recommandations de l’étude portent sur 10 objectifs résolument orientés vers la conquête d’une sécurité alimentaire durable et d’une souveraineté alimentaire à moyen et à long termes.

 


Meziane Rabhi

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