Au-delà des grilles de lecture sur les résultats, les conditions du déroulement du scrutin, l’abstention historique qui l’a marqué, c’est sans aucun doute l’un des marqueurs, voire l’un des dégâts collatéraux de cette élection singulière : le recul effarant de la représentation féminine à la Chambre basse du Parlement. De 146 femmes députées dans l’ancienne Assemblée, leur nombre est tombé à seulement 34 femmes, soit un taux passé de 31% à 8%. Un recul que ne peuvent expliquer le boycott massif des électeurs et l’absence de la mouvance démocratique à cette joute électorale. À bien des égards, ce taux de représentation rachitique des femmes signe une régression à la fois pour la vie politique et pour la condition féminine. Il traduit sans nul doute le poids encore écrasant du conservatisme et du patriarcat. Signe emblématique de cette régression, le floutage pendant la campagne des visages de certaines candidates.
Comme si cette présence ne répondait, pour ceux qui parrainaient ces listes, qu’au souci de se conformer à une disposition de la loi électorale qui imposait la parité des candidatures. Une espèce de simple faire-valoir. Autre signe édifiant : les partis ayant mis en avant les femmes, comme ce parti qui s’enorgueillissait d’avoir “ramené des fraises, mais sélectionnées, pas celles exportées en Afrique du Sud”, ont été laminés lors du scrutin. On aurait tort de croire que c’est la loi électorale aménagée qui a desservi la gent féminine, toutefois, faut-il encore s’interroger sur les arrière-pensées des législateurs ? Mais il est difficile de ne pas voir dans ce recul cette propension chez les électeurs qui ont voté à privilégier les candidatures masculines.
En imposant un quota de 30% dans la foulée des réformes engagées après le “Printemps arabe”, le président déchu n’ignorait pas le poids des résistances dans la société. Même si elle n’était pas dénuée d’arrière-pensées politiciennes, la loi d’alors visant l’élévation de la représentation des femmes dans les assemblées leur conférait une certaine visibilité. Mais faute de décisions audacieuses comme la révision du code de la famille, la réforme de l’école toujours prisonnière de l’obscurantisme et des forces de la régression, la représentation politique des femmes, pourtant assez présentes dans d’autres secteurs, s’annonce ardue. Faut-il rappeler les réactions à la loi sur la criminalisation de la violence à l’égard des femmes et les… violences qui ciblent les cadres vivants seuls, comme on a pu le voir récemment à Bordj Badji-Mokhtar ? Il est vrai que la mixité dans le Hirak a laissé entrevoir l’illusion d’une éventuelle évolution des mentalités. Mais le résultat du scrutin, même s’il faut le relativiser compte tenu des conditions de sa tenue, n’en est pas moins un indicateur que le chemin est encore long pour une réelle émancipation de la femme.