L’Actualité LA RÉGION DE TIZI OUZOU PLONGÉE DANS UN SOUS-DÉVELOPPEMENT ENDÉMIQUE

L’attente de la prospérité

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Samir LESLOUS Publié 20 Décembre 2021 à 23:21

© D. R.
© D. R.

Une occasion  ratée.   Alors qu’elle  se  présentait comme une opportunité pour décongeler les  projets  de développement  économique, la visite du Premier ministre Aïmene Benabderrahmane, dans la wilaya de Tizi Ouzou, a été ajournée. Comme toujours, cette région doit attendre...

Annulation de dernière minute. Le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane qui devait se rendre aujourd’hui dans la wilaya de Tizi Ouzou, a vu, contre toute attente, sa visite reportée à une date ultérieure. La région qui souffre d’un sous-développement économique, devenu endémique, peut attendre. Comme toujours.

Ce qui n’est pas pour arranger les choses entre le gouvernement et cette wilaya qui voit ses attentes renvoyées aux calendes grecques. Les citoyens et les élus, qui espéraient, à la faveur de cette visite, voir un signal de la part des autorités pour dynamiser l’économie de la région en débloquant les projets structurants qui sommeillent dans les rouages de l’administration, seront déçus.

C’est un mauvais signal qui est envoyé, surtout que Tizi Ouzou n’a pas encore pansé ses blessures causées par les dramatiques feux de forêt de l’été dernier. Les multiples appels pour classer la wilaya zone sinistrée n’ont manifestement pas trouvé d’écho favorable. La demande d’un plan spécial n’a toujours pas pu trouver son chemin vers Alger.

L’annulation de la visite du Premier ministre est une autre occasion ratée de remettre la région sur les rails de la prospérité. Il faut dire que cette intenable situation est due à une accumulation de blocages systématiques qui remontent à des années en arrière. Les promesses données par les anciens gouvernements n’ont pas été tenues.

Pis encore, depuis son arrivée au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika ne s’est jamais rendu dans cette wilaya dans le cadre d’une visite de travail. Les rares fois où il s’y était rendu, c’était pour des raisons de campagnes électorales.

En effet, depuis son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika, qui n’a jamais consenti à effectuer une visite de travail à Tizi Ouzou, n’a, en revanche, pas raté les occasions de campagne pour “solder ses vieux comptes avec la région”, comme aiment à le répéter de nombreux acteurs politiques et historiques de la région.

Dans la région, la population se souvient encore, comme si cela datait d’hier, de ses propos tenus en 1999, lorsqu’il promettait à la région de crever son “ballon de baudruche” ou encore lorsqu’il qualifiait ses habitants de “nains”.

Elle se souvient aussi de son déplacement, d’ailleurs chahuté, en 2005, lorsqu’il était venu défendre une réconciliation nationale rejetée par la région sans jamais évoquer les 128 jeunes tués durant le Printemps noir de 2001 et, encore moins, le développement qui avait reçu un sacré coup après ces événements.

Même les visites des ministres de ses nombreux gouvernements, qui se sont succédé sous son règne, ne donnaient guère l’impression d’être faites pour sortir la région du marasme dans lequel elle pataugeait, mais avaient plutôt des relents populistes, souvent dictés par les besoins de campagnes électorales.

La plus importante d’entre elles fut celle d’Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, en 2016. Lors de cette visite dont la région attendait beaucoup, le Premier ministre de l’époque, qui avait visité de nombreux projets structurants et rencontré la société civile, n’avait pas lésiné sur les promesses qui étaient restées finalement lettre morte.

“Nous allons tout mettre en œuvre pour accompagner cette wilaya dans la réalisation des projets prévus dans le cadre de la remise à niveau de la région en matière de développement local”, avait-il lancé à l’époque. La suite, les autorités locales et la population la connaissent. Ce qui n’a pas manqué de creuser le fossé déjà large avec le pouvoir et qui allait crescendo, au point d’ouvrir la porte à toutes les radicalités possibles. 

Les projets structurants congelés 
Aujourd’hui encore, la région attend beaucoup. À ce titre, la région espère voir relancés et achevés tous les projets structurants, bloqués ou gelés, et ils sont nombreux.

Le nouveau stade de 50 000 places, lancé en 2010, et qui a englouti des enveloppes faramineuses sans jamais voir le jour ; la pénétrante vers l’autoroute Est-Ouest, lancée en 2013 et qui n’est toujours pas achevée 11 longues années plus tard ; le barrage de Souk n’Tleta dont les travaux traînent en longueur, une dizaine d’années après leur lancement ; le centre d’entraînement des équipes nationales à Aghribs qui est quasiment jeté aux oubliettes ; le nouveau CHU qui a été gelé dans le sillage de la crise financière de 2015 ; le complexe mère-enfant promis depuis plus d’une décennie ; l’axe autoroutier Aïn El-Hammam-Drâa El-Mizan ; la ligne ferroviaire Draâ El-Mizan-Dellys ; le renforcement de l’électrification rurale ; la réalisation de nouvelles stations de dessalement d’eau de mer ; la poursuite des travaux du téléphérique… sont autant de projets structurants sur lesquels le gouvernement est toujours attendu. 

Mais pas seulement ! Le dossier de la relance de l’investissement productif dans cette région où le tissu industriel — qui faisait jadis sa fierté car il permettait de nourrir une grande partie de sa population — est aujourd’hui en lambeaux sans pour autant que l’on accorde une chance au privé de prendre le relais.

En effet, après la mise sur le carreau de l’ex-Cotitex, un véritable fleuron de l’industrie du textile, voilà que deux autres géants de l’économie nationale, à savoir l’Eniem et Electro-Industries, voient leur ciel s’assombrir peu à peu et risquent, faute d’une véritable politique de soutien de l’État, de faire des milliers de nouvelles victimes dans cette région déjà connue pour son taux de chômage qui avoisine 30%, selon des élus, et qui est considéré comme l’un des plus élevés sur le territoire national.

La wilaya de Tizi Ouzou, qui n’a, de surcroît, bénéficié d’aucun projet d’investissement productif public depuis les années 70, a même vu le projet de production locale d’insuline, qui lui était destiné dans le début des années 2000, finalement détourné vers une autre wilaya du pays.

Même les hôtels publics qui représentaient les dernières poches de résistance du tourisme local — qui constituait l’une des vocations naturelles de la région — ont fini par être fermés dans le cadre d’une opération de réhabilitation qui continue de s’éterniser encore aujourd’hui. N’étaient la bureaucratie et l’inertie qui ont frappé les autorités locales, le secteur privé aurait pu assurer une transition souple vers une réelle économie locale.

Mais sur ce registre également, le poids des blocages a été tel, que de nombreux investisseurs ont fini, de guerre lasse, par délocaliser leurs investissements vers d’autres régions du pays.

Récemment encore, le directeur de l’Andi dans la région, qui intervenait sur la radio locale, a révélé que sur les 346 projets d’investissement inscrits depuis 2018, quelque 98 n’ont pu être lancés en raison de différents blocages.

Pour sa part, le directeur de l’industrie avait expliqué, à la même occasion, que le nombre de dossiers déposés depuis 2011 s’élève à 1 518 et que 406 seulement sont validés par la commission chargée de l’étude et de la validation des dossiers d’investissement, et que parmi les projets retenus, seulement 21 sont entrés en activité, créant 1 002 emplois. 145 projets d’investissement touristiques privés déposés n’ont pu, également, être lancés à travers le territoire de la wilaya.

La gestion du foncier industriel, la bureaucratie, l’état des zones industrielles et d’activité… sont autant de facteurs qui ont fait que l’investissement privé est resté dans un état végétatif. À cela s’ajoutent également de sérieux problèmes d’alimentation en eau potable, en électrification rurale, de logement, d’habitat rural, d’infrastructures sanitaires, culturelles… qui ont fait que le calvaire est quotidien dans cette région. 

Depuis l’été dernier, c’est carrément la vie d’une bonne partie de la population de cette région qui a basculé dans l’enfer. Cela à la suite des incendies apocalyptiques d’août dernier qui ont fait près de 80 morts civils et des centaines de milliards de dégâts.

Une situation à laquelle l’État a, certes, apporté son soutien, mais qui demeure insuffisant devant l’ampleur des dégâts qui, visiblement, n’ont pas suffi à déclarer la région comme zone sinistrée. Une situation qui fait que de nombreuses familles touchées dans leur chair ou dans leurs biens se sont retrouvées dans la détresse. 
 

Samir LESLOUS

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