“Les langues sont comme des f enêtres, plus il y en a, mieux la maison est aérée”, résumait un écrivain algérien en réponse au repli sur soi que certains courants d’opinion tentent d’imposer à la société. La crise diplomatique algéro-française était une occasion pour ces partisans de l’enfermement de repartir à la guerre contre la langue française.
Dans une démarche aussi démagogique qu’opportuniste, des ministres somment leurs administrations de communiquer exclusivement dans la langue arabe. Ces ministres, qui dans leur vie quotidienne ne s’expriment que dans la langue de Molière, espèrent briller et voir leur cote de popularité monter en brandissant leurs sabres contre une langue. Au diable les performances qu’ils sont censé réaliser dans leur secteurs et pour lesquelles ils sont rémunérés !
Ce combat d’arrière-garde mené épisodiquement n’est pas sans rappeler le passif des décisions de la même nature qui ont conduit le pays dans des impasses. Comme ce fut le cas avec l’arabisation au pas de charge des sciences sociales. C’était un des facteurs de la régression sans fin de l’université algérienne et ses fâcheuses conséquences sur l’ensemble de la société. Doit-on souligner ici que la langue arabe n’est pas en cause qui, faut-il le rappeler, est figée et enfermée dans un moule idéologique sacré lequel, au final, la dessert et surtout paralyse ses locuteurs.
Mais ce qui est, par-dessus tout, inacceptable, c’est cette grande hypocrisie des défenseurs zélés de cette langue. Aux enfants du peuple, l’arabe et seulement l’arabe, mais à leurs propres enfants toutes les langues, le français en premier. Il suffit de fouiller dans les dossiers du Lycée international Alexandre-Dumas ou bien dans les plus grandes universités parisiennes pour s’en rendre compte. Cela ressemble parfaitement à ceux qui, durant des années et dans un excès de zèle nationaliste, faisaient la leçon à leurs adversaires politiques avant d’être démasqués, découvrant ainsi leur vraie nature de destructeurs de la collectivité nationale.
L’Algérie qui fait face à d’immenses défis n’a pas de temps à perdre dans ces combats douteux. Ce dont elle a grandement besoin, c’est de l’ouverture sur le monde et du rapport apaisé à l’autre. Mais plus que tout, il s’agit de gagner la grande bataille contre le sous-développement politique et économique, et vaincre les archaïsmes abêtissants. Le charlatanisme ne fait pas un pays et, surtout, ne défait pas “l’ennemi” : il le renforce. ■