“C’est la première fois qu’une requête demandant la vérification de constitutionnalité d’un article de loi est acceptée par la justice”, a commenté son avocat, visiblement soulagé.
Après plusieurs reports, la septième chambre de la cour de justice d’Alger a finalement accepté la requête introduite par les avocats de Saïd Djabelkhir pour contester la constitutionnalité de l’article 144-bis du code pénal, sur la base duquel, le chercheur a été condamné pour “offense au Prophète de l’islam” et “atteinte aux dogmes religieux”. C’est une demi-victoire pour Saïd Djabelkhir et ses avocats. Cela fait plusieurs mois que le chercheur en soufisme fait face à la menace qui pèse sur lui d’aller en prison pour avoir exprimé, sur les réseaux sociaux et des plateaux de télévision, des avis religieux. En obtenant le renvoi du dossier pour avis du Conseil constitutionnel, il peut “continuer à exprimer” ses “opinions dans le domaine de la religion, le mien”, dit-il en sortant du tribunal, hier en milieu de matinée. Accompagné de son avocat, Moumen Chadi, Djabelkhir a arboré un sourire de soulagement qui en dit long sur la peur qui s’est emparée de lui depuis qu’il a été condamné, en avril dernier, à une peine de 3 ans de prison pour avoir exprimé des avis religieux en public.
“C’est la première fois qu’une requête demandant la vérification de constitutionnalité d’un article de loi est acceptée par la justice”, commente aussi l’avocat, visiblement soulagé. Pour défendre le dossier, la défense de Saïd Djabelkhir relève une contradiction entre l’article 144-bis 2 du code pénal et la Constitution. “Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA à 100 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le Prophète (Paix et Salut soient sur Lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou de tout autre moyen”, énonce l’article.
Or, la loi fondamentale garantit l’inviolabilité du “droit de pensée”, surtout qu’il s’agit là d’un spécialiste et non d’un profane. Plus que cela, les avocats contestent jusqu’à la qualité des plaignants puisqu’il s’agit de citoyens qui n’ont pas de lien avec le domaine. Or, dans le cas où des faits seraient avérés, seul le procureur peut déposer plainte. Chercheur en soufisme et journaliste, Saïd Djabelkhir provoque souvent la polémique avec des publications où il invite les spécialistes à débattre des sujets — y compris ceux qui sont considérés comme des tabous — liés à la religion. Un tantinet iconoclaste, certains le trouvent provocateur. Mais lui insiste sur le fait que ses interventions sont des invitations à débat et n’ont rien de provoquant.
C’est en cela que l’avis que rendra le Conseil constitutionnel est déterminant : si la haute juridiction admet que l’article 144-bis 2 du code pénal n’est pas conforme à la Constitution, cela signifie une victoire pour Saïd Djabelkhir, mais aussi pour tous ceux qui défendent le droit à la libre pensée, y compris dans le domaine religieux.
Ali Boukhlef