Les électeurs ne se bousculaient pas dans les centres de vote à Constantine, et à l’extérieur, seule la présence timide des policiers affectés à la sécurisation des lieux renseignait sur le déroulement des élections.
Dans les bureaux de vote, les commis à l’encadrement du suffrage déambulaient allègrement entre les isoloirs et les urnes, vides en apparence. C’est qu’en cette matinée du 12 juin 2021, les piles de listes que les agents font mine de temps à autre d’arranger sont restées presque intactes. À vrai dire, les électeurs ne se bousculaient pas au portillon.
À l’extérieur des centres, seule la présence timide des policiers affectés à la sécurisation des lieux renseignait sur le déroulement en cours des élections. La journée est plutôt propice pour les pères de famille qui en profitent pour faire leurs emplettes. Car c’est dans les marchés qu’il y avait foule. Mais point d’évocation des élections législatives si ce n’est la question sur un ton souvent malicieux entre jeunes : “Tu as voté ?” Pour la plupart, les rares personnes rencontrées dans les centres de vote durant la matinée sont assez âgées et n’ont trouvé aucune peine à glisser leurs bulletins dans l’urne. “Je ne rate jamais un rendez-vous électoral. Je ne vote pas pour les personnes, mais j’accomplis un devoir envers mon pays.
Nos jeunes sont inconscients. Il faut qu’ils comprennent qu’on ne bâtit pas un pays dans l’anarchie, mais dans la paix et la sérénité. Ils auraient eu une autre opinion s’ils avaient vécu sous le régime colonial”, dit un sexagénaire à sa sortie du centre de vote des Frères Boudjeriou au centre-ville de Constantine. Un avis que ne partage pas un jeune, la vingtaine, qui rétorque : “Nous sommes tenus en tant qu’Algériens par le devoir de débarrasser le pays des voleurs et des opportunistes qui ne se manifestent qu’à la veille des élections.” “Voter, c’est cautionner la rapine et l’incompétence qui ont mis le pays à genoux. Je ne voterai pas tant que les jeunes meurent en pleine mer dans des embarcations de fortune et tant que les décideurs continuent de tourner le dos aux jeunes compétences capables de faire des miracles sous d’autres cieux, mais jamais dans leur pays, les dinosaures les en empêchent !”, vocifère-t-il, en terminant avec “seuls les chouhada sont légitimes dans ce pays”.
Un vote qui ne fait donc pas l’unanimité à Constantine comme dans les autres villes du pays. Dans une circonscription qui a aligné pas moins de 1 514 candidats répartis sur 52 listes électorales dont 32 sont dites indépendantes pour un corps électoral évalué à 607 877 votants, l’engouement des citoyens autour de ce scrutin a été très timide. Jusqu’à 14h, le taux de participation n’avait pas dépassé les 7,63% de votants, alors qu’il n’était au premier pointage de 10h30 qu’à hauteur de 2,69%.
Comparativement avec les deux derniers rendez-vous électoraux, le référendum sur la révision constitutionnelle du 1er novembre 2020 et l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, lesquels ont été marqués par une forte abstention, les législatives de ce 12 juin semblent s’inscrire dans une même logique de refus et de désaveu populaire du suffrage universel en tant qu’étape cruciale dans l’édification d’un État de droit et de liberté tel qu’il a été porté par le soulèvement citoyen du 22 Février 2019. En effet, les taux de participation aux mêmes horaires lors de ces deux élections étaient respectivement pour la présidentielle et le référendum de 6,25% et 4,44% à 11h et de 17,14% et 10,72 à 14h. Hier, ils n’étaient que de 2,69% et de 7,63%. Une tendance à la baisse sensible de la participation qui se confirme donc pour ces élections législatives, tenues sous le spectre pesant du Hirak et des tournures fâcheuses endurées par ses activistes.
Kamel Ghimouze