Une étude traitant des préjudices causés par les prises en charge tardives des cancers en Algérie a été présentée en visioconférence par un chercheur algérien spécialiste en économie de la santé au Cread de Paris.
L’impact des retards d’accès aux thérapies innovantes et la problématique de la pose tardive des diagnostics des cancers étaient hier au centre des débats de la 4e édition du Sommet d’oncologie et d’hématologie (4th Onco-Hematology Summit-2021) ouverts avant-hier soir à l’hôtel Sheraton d’Alger. En fait, les délais tardifs de dépistage des cellules tumorales ou pour l’accès aux molécules innovantes aggravent l’état du patient et engendrent des dommages considérables en termes d’économie de la santé dans un pays donné.
Ce constat affligeant a été dressé hier par Ahcène Zenhati, chercheur algérien spécialiste en économie de la santé au Cread de Paris en France. Ce technicien en économie de la santé a présenté, hier, en visioconférence, à une assistance composée principalement d’oncologues et d’hématologues, une étude traitant des préjudices causés par les prises en charge tardives des cancers en Algérie. M. Zenhati a tenté en premier lieu d’expliquer les retombées fatales de ce dépistage tardif et de l’accès retardé aux traitements innovants des carcinomes du poumon et du sein. Les estimations de 2020 présentées dernièrement par le Registre national du cancer sont alarmantes. Les statistiques prévisionnelles du Registre du cancer ont fait ressortir 14 000 nouveaux cas de cancer du sein chaque année et 3 300 nouveaux cas de cancer broncho-pulmonaire (CBP) chez l’homme. D’où, l’urgence de développer le diagnostic précoce et d’accélérer le processus d’accès aux traitements innovants.
L’étude d’Ahcène Zenhati a montré que l’introduction de nouvelles molécules augmente sensiblement le taux de survie des personnes souffrant tumeurs. Pour le chercheur du Cread, ces nouvelles thérapies innovantes permettent aussi, sur le plan économique, de réduire les coûts hospitaliers en termes de nombre de jours d’arrêt de travail. Pour étayer ses dires, l’intervenant lâchera, chiffres à l’appui, que la facture des arrêts de travail pris par les malades du cancer avait été estimée à 16 millions de dollars en 2018.
Les congés de maladie, une moyenne de trois mois déposés par les malades du cancer du poumon, a coûté au Trésor public la bagatelle de 1,8 million de dollars, alors que les congés pour les femmes atteintes d’un cancer du sein sont évalués à 3,4 millions de dollars. Partant de ce constat chiffré, le spécialiste de l’économie de la santé a estimé que la diffusion des traitements innovants augmentera la longévité du patient et, du coup, impactera la croissance économique du pays. D’autres statistiques estimatives présentées par Ahcène Zenhati font froid dans le dos, lorsqu’il a abordé l’incidence et la localisation de ces deux types de cancer. “Ces deux cancers en Algérie sont les plus élevés dans la région Mena.
Le cancer du sein a une incidence de 57 cas pour 100 000 habitants avec un taux de mortalité estimé à 16,2%. L’âge d’atteinte du cancer du poumon en Algérie est de 47 ans, alors qu’aux États-Unis, il est de 72 ans”, avertit M. Zenhati. Autant dire que l’Algérie a les taux d’incidence les plus élevés par rapport aux pays de la région. Le même constat est plausible pour la problématique de pose tardive de diagnostic. L’étude a montré que les cancers du sein sont généralement confirmés au stade 3 et 4 en Algérie, alors qu’au Royaume-Uni, ils sont détectés au stade 1 et 2.
C’est-à-dire que la majorité souffrant de cette pathologie non transmissible arrive aux hôpitaux au stade final, et le traitement préconisé, même innovant, n’aura aucun effet. Alors qu’ailleurs dans les pays avancés, la période de confirmation du diagnostic ne dépasse pas les 4 semaines, soit entre la première imagerie montrant la pathologie et le premier traitement. Quant à l’accès aux thérapies innovantes, l’intervenant a rappelé que seulement 42% des thérapies ciblées et des immunothérapies sont disponibles en Algérie. “Pour l’immunologie, uniquement 5 traitements sont disponibles sur les 22 existant dans le monde”, a alerté Ahcène Zenhati.
Hanafi H.