Ce déplacement pourrait, éventuellement, préparer la voie à une visite d’État du président Macron en Algérie.
Reportée à plusieurs reprises, la visite du Premier ministre français, Jean Castex, à Alger, aura lieu du 10 au 11 avril. Officiellement, cette virée entre dans le cadre de la réunion périodique du “Comité gouvernemental de haut niveau”. Mais le contexte des relations bilatérales fait que cette visite ne sera pas centrée que sur les questions économiques.
Quelques jours avant la visite de Jean-Castex à Alger, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a, en effet, rappelé l’importance des relations entre les deux pays. Comme pour calmer la situation à quelques jours de cette virée, Abdelmadjid Tebboune a mis en avant la bonne entente existant entre lui et le chef de l’État français, Emmanuel Macron.
Une cordialité qui tient au soutien clair du président français au processus politique en cours en Algérie. Mais ce soutien, affiché à plusieurs reprises, a été contrarié par la reprise des manifestations du mouvement populaire (le Hirak) et la décision de quasiment l’ensemble des partis politiques de la mouvance démocratique de boycotter les élections législatives de juin prochain. Et l’intervention, en coulisse, des autorités françaises n’a rien changé à la donne. Des sources partisanes indiquent en effet que lors de ses récentes visites aux partis politiques, l’ambassadeur de France, François Gouyette, a tenté de convaincre certaines formations de participer au prochain scrutin législatif. “Il a essayé de défendre l’idée que seules des élections peuvent régler la crise et que dans le cas où nous boycotterions, la voie sera ouverte aux islamistes”, a indiqué un responsable d’un parti démocrate. Le même langage a d’ailleurs été tenu par l’ambassadeur et représentant de l’Union européenne en Algérie. Plus que cela, des médias français ont rapporté que le gouvernement français a demandé à l’ambassadeur de ne pas rencontrer des figures du Hirak.
En plus de ne pas avoir réussi à convaincre certains partis politiques de participer au processus électoral, la France se heurte à une demande des autorités algériennes qui espèrent l’extradition d’au moins deux activistes algériens réfugiés dans l’Hexagone. “Certains États européens agissent conformément à la loi et non sur la base de sentiments ou de volonté politique”, a reconnu Abdelmadjid Tebboune. C’est ce principe qui risque justement d’empêcher les autorités françaises de répondre aux sollicitations d’Alger, surtout qu’il s’agit, dans le cas des personnes concernées, de considérations politiques. Au volet politique s’ajoute celui de la mémoire. Jusque-là, le Premier ministre français, Jean Castex, a employé un discours différent de celui d’Emmanuel Macron sur la question.
Il a notamment indiqué que la France ne devait pas “s’autoflageller, regretter la colonisation”. La communauté française doit être “fière de nos racines, de notre identité, de notre République, de notre liberté”, avait-il indiqué en octobre dernier. Mais à Alger, l’homme devra tenir un autre langage, plus conforme à celui de l’Élysée qui multiplie les gestes, ces derniers temps, pour “une réconciliation des mémoires”. Emmanuel Macron a reçu un rapport établi par l’historien Benjamin Stora, a permis la déclassification de certaines archives et a reconnu l’assassinat du militant algérien Ali Boumendjel. Il a également donné son accord pour le rapatriement de nouveaux lots de crânes de résistants algériens. Des gestes qui semblent emballer le chef de l’État algérien qui a promis de ne pas “céder” sur la question de la mémoire, tout en évitant d’en faire “un fonds de commerce”.
L’économie, le “nerf de la diplomatie”
Si les questions politiques sont toujours présentes dans les relations algéro-françaises, les questions économiques ne seront pas en reste. Jean Castex et la délégation qui l’accompagnera vont probablement faire de nouveaux gestes envers l’Algérie pour notamment tenter de démontrer que la France n’est pas qu’un fournisseur du marché algérien, une position de leader que Paris a d’ailleurs perdue au profit de la Chine. Des médias français ont même évoqué la possibilité d’une annonce du retour du constructeur français Renault pour relancer son projet algérien à l’arrêt, mais en répondant aux exigences des autorités algériennes.
La société va reprendre le montage automobile, mais avec un taux d’intégration plus important. C’est une des exigences rappelées récemment par le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, qui a souvent pris la marque au Losange pour cible. Ce dernier a demandé aux constructeurs “un transfert de technologie”, en contrepartie de l’ouverture du marché algérien à leurs produits. Mais cela concerne d’autres sociétés dont les projets vont être annoncés lors de cette visite. Pour se défendre, les Français rappellent que leurs entreprises sont les premiers investisseurs hors hydrocarbures dans le pays. Elles emploient près de 40 000 personnes. Un chiffre qui ne reflète pas la réalité des relations entre les deux pays.
Parallèlement à cela, les entreprises françaises se sont toujours plaintes de leur mise à l’écart des grands projets infrastructurels réalisés en Algérie durant les 20 ans de règne de Bouteflika : elles n’ont été associées ni dans le projet de l’autoroute Est-Ouest ni dans les projets de centaines de milliers de logements, construits essentiellement par les entreprises chinoises, turques, espagnoles et portugaises.
Outre ces sujets lourds, d’autres chapitres vont être abordés entre les dirigeants des deux pays à l’occasion de la visite de Jean Castex. Il s’agit notamment de la question des visas qui préoccupe de nombreux Algériens depuis que les autorités françaises ont décidé de réduire ostensiblement le nombre des autorisations d’entrée sur leur territoire.
Une décision qui a poussé les Algériens à appliquer le principe de la réciprocité ; chose qui agace des journalistes et hommes d’affaires français.
Sujet moins problématique, la gestion de la crise sécuritaire dans le Sahel va, également, être abordée par le Premier ministre français et ses interlocuteurs algériens. Publiquement, les deux capitales partagent la même approche pour la gestion des crises régionales malgré quelques frictions. Mais cette entente contraste avec ladivergence qui existe entre Alger et Paris sur la question du Sahara occidental. La France appuie toujours les positions marocaines.
Ali Boukhlef