Culture PARAÎTRA PROCHAINEMENT AUX ÉDITIONS KOUKOU

“Parole de psychiatre”, du docteur Farid Kacha

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Yasmine AZZOUZ Publié 28 Septembre 2021 à 18:18

© D. R.
© D. R.

Le projet de Farid Kacha est de “relancer le travail de mémoire et de reconnaissance” autour de la psychiatrie. Selon lui, cette discipline “mérite assurément une attention particulière, car elle a souffert du départ brutal de la plupart de ses soignants au lendemain de l’indépendance”.

Parce que la psychiatrie est l’une des rares, voire l’unique spécialité des sciences médicales à “se situer au cœur de l’homme, son humanité et sa liberté”, le docteur Farid Kacha, ancien chef de service à l’hôpital de Chéraga, publie aux éditions Koukou un ouvrage sur l’histoire de cette discipline médicale et sa situation en Algérie, ainsi que son parcours professionnel, entamé au sortir de l’indépencance.

Le projet de Kacha est de “relancer le travail de mémoire et de reconnaissance” autour de la psychiatrie. Selon lui, “elle mérite assurément une attention particulière, car elle a souffert du départ brutal de la plupart de ses soignants au lendemain de l’indépendance ; elle s’est retrouvée donc dès sa naissance avec la responsabilité de prendre en charge des milliers de patients sans aucun spécialiste”.

Dans un deuxième temps, il propose de revenir sur les cas de certains patients qu’il a eu à traiter durant sa carrière. “J’ai toujours rêvé de rapporter la vie absolument extraordinaire de certains de mes patients, dont le destin et les péripéties vécues dépassent largement les aventures des films les plus dramatiques et les plus osés”, note l’auteur, qui voit également en ce travail une manière de rendre compte de la “réalité d’une époque et d’une société”, peut-être aussi de comprendre l’origine des souffrances psychiques de nos concitoyens.

Parmi ces parcours de vie, figurent des cas d’autisme dans sa famille, des cas de suicide, de paranoïa et de violences faites à deux patientes, dont une consœur. Le silence, la honte et l’isolement sont ressentis par les deux femmes. Même dans son rôle de psychiatre, Kacha se retrouve désarmé face à des situations insoutenables.

Quand dire, parler, extérioriser la violence subie reste insuffisant, le spécialiste se penche du côté de la loi pour trouver un semblant de solution. Mais, là encore, note-t-il en bas de page, “la violence contre les femmes dans notre pays est un sujet récurrent. Il souffre d’un refus évident des services publics à appliquer la loi à cause des nombreuses complicités”.

Dans le chapitre suivant, Farid Kacha retrace son propre parcours, professionnel et familial. Il évoque ainsi ses premiers pas dans la fonction publique, au lendemain du référendum d’autodétermination, puis sa rencontre avec la psychiatrie au travers du Dr Benmiloud, premier psychiatre de l’Algérie indépendante.

“Il avait donné à la psychiatrie des perspectives nouvelles. Il avait refusé de rejoindre le service asilaire de psychiatrie à l’hôpital Mustapha qui datait de 1920, avec des pavillons vétustes nommés Babinski, Charcot et Pinel. Doté d’une énergie débordante, il avait transféré en 1966 tous les malades hospitalisés dans ces vieux services, de nuit, sans autorisation, dans un service moderne, refait à neuf, encore vide, mais destiné à la rhumatologie”, écrit l’auteur.

L’avènement de la psychiatrie algérienne après l’indépendance s’est toutefois faite au prix de nombreux sacrifices et dans l’urgence. Le départ précipité des psychiatres a en effet “contraint les jeunes médecins de prendre très tôt des responsabilités. Chacun des étudiants en spécialité était responsable d’une unité d’hospitalisation (…) Malgré la grande quantité de travail, les prémices heureuses d’une psychiatrie universitaire étaient en place, en ordre de combat”, poursuit l’auteur.

Par ailleurs, ce dernier fait un état des lieux de la prise en charge psychiatrique en Algérie et regrette la “non-application” de certaines “lois de santé mentale promulguées”. Il évoque également l’état de l’hôpital psychiatrique de Blida, dont “la moitié des lits a été cédée aux autres spécialités médicales pour créer un hôpital universitaire à cinquante kilomètres d’Alger”.

Et d’ajouter : “Ces lits d’hospice sont donc occupés par des centaines de patients abandonnés à leur sort, qui y séjournent depuis très longtemps sans une réelle prise en charge.” Et au médecin de proposer quelques réformes, parmi elles “la réorganisation de la psychiatrie en secteur géo-démographique. Nommer pour chaque secteur un coordinateur pour mobiliser les actions en faveur des enfants, des personnes âgées et des adultes”.
 

Yasmine AZZOUZ

Bientôt en librairie : Parole de
psychiatre, de Farid Kacha,
éditions Koukou, 240 pages,
2021. Prix : 1 000 DA.

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