Le 8 mars est une date célébrée chaque année, non pas pour fêter un exploit, mais pour faire le bilan des acquis et tracer la voie à d’autres buts non encore atteints. Des revendications scandées à voix haute dans les rues, mais aussi pérennisées par la voie de l’écriture par celles qui ont ce pouvoir des mots, à l’image des Assia Djebar, Maïssa Bey, Louisette Ighilahriz, Yamina Mechakra…
Le 8 mars est la “Journée internationale des droits des femmes”. Une date symbolique qui dit toutes les luttes et une voix unie qui crie toutes les revendications des femmes du monde pour obtenir des conditions de travail dignes, des droits égaux avec ceux des hommes, une vie décente et une valorisation à la hauteur des sacrifices et des attentes.
Une date célébrée chaque année, non pas pour fêter un exploit, mais pour faire le bilan des acquis et tracer la voie à d’autres buts non encore atteints. Des revendications scandées à voix haute dans les rues, mais aussi pérennisées par la voie de l’écriture par celles qui ont ce pouvoir des mots qu’il serait bon de revisiter aujourd’hui.
Dire un viol impardonnable, décrire des atrocités abominables, écrire une histoire inoubliable, c’est ce que fit par exemple la moudjahida Louisette Ighilahriz, qui confia, dans un témoignage courageux qui restera gravé dans les archives de la mémoire coloniale : “J’étais allongée nue, toujours nue. Ils pouvaient venir une, deux ou trois fois par jour. Dès que j’entendais le bruit de leurs bottes dans le couloir, je me mettais à trembler. Ensuite, le temps devenait interminable. Les minutes me paraissaient des heures, et les heures des jours. Le plus dur, c’est de tenir les premiers jours, de s’habituer à la douleur. Après, on se détache mentalement, un peu comme si le corps se mettait à flotter (...)”
Un corps meurtri, une tragédie vécue dans sa chair que la femme subit encore aujourd’hui, mais son bourreau n’est pas seulement cet ennemi, c’est parfois un voisin, un ami, un parent… un membre de la famille. Mais ce drame-là, la femme doit le taire, car c’est une honte d’en parler en société.
Pire, elle a peur des représailles car son assaillant sera lavé de tout soupçon du fait d’être ce frère qui “corrige”, ce mari qui “a tous les droits” ou ce père qui commet l’inceste et que la mère protège.
La mère, cette femme effacée et recluse qui “ne désignait jamais mon père autrement que par le pronom personnel arabe correspondant à ‘lui’ (…) Ce discours caractérisait toute femme mariée de quinze à soixante ans (…)”, confiera Assia Djebar dans L’Amour, la fantasia paru en 1995. Cette même Assia Djebar qui sortira des jupons de sa mère par la force de son écriture et qui ira briller au sommet de l’Académie française en 2005.
C’est dire la gifle que la femme peut donner à celui qui voulait la rabaisser. “Je suis femme et j’ai à dire (…)”, confiera Zineb Labidi, professeure de littérature. “Une pratique démocratique de la culture”, dira-t-elle au sujet de ces ateliers d’écriture lancés par le Forum Femmes Mediterranée (FFM). Et à Esther Fouchier, fondatrice de ce forum, d’ajouter : “L’écriture donne aux femmes un courage, une force et un pouvoir qu’elles n’avaient pas. C’est pourquoi faire écrire les femmes, leur permettre de mettre en mots ce qu’elles vivent chaque jour, leur donne un rôle dans la culture et la vie de la cité.”
Un rôle que s’octroiera avec brio Maïssa Bey à travers sa plume qui conte et raconte des vies, des déboires et des espoirs pour, dira-t-elle, “dire non à la régression, pour dénoncer les dérives dramatiques auxquelles nous assistions quotidiennement et que nous étions censés subir en silence (…) dans le meilleur des cas (…)”. Un pouvoir des mots et une passion pour l’écrit qu’elle a voulu transmettre aux autres femmes en créant l’association Paroles et écriture.
L’écriture “féminine” (féministe ?) – même si beaucoup lui réfutent le “genre” – a et reste ce pouvoir des mots, à la fois sensuels et cruels, percutants, déroutants, des Yamina Mechakra, Assia Djebar, Malika Mokeddem, Leïla Sebbar et autres plumes des générations successives qui recourent elles aussi à ce procédé pour dire leurs maux et revendiquer leurs droits.
Samira BENDRIS-OULEBSIR