Liberté : Quelle lecture faites-vous de l’annulation de la visite, en Algérie, du chef du gouvernement français, Jean Castex ?
Hasni Abidi : Jamais les relations entre Alger et Paris n’ont connu autant de développements et de rebondissements depuis la présidence Hollande. C’est la 4e annulation d’un rendez-vous hissé au niveau d’un sommet gouvernemental. Il s’agit ici d’un indicateur de la fragilité des rapports entre les deux États.
Cette annulation ne contraste-t-elle pas avec l’apparente “bonne entente” entre le président Abdelmadjid Tebboune et son homologue Emmanuel Macron ?
C’est une mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron dans un contexte électoral dans lequel l’Algérie est un enjeu interne. Face à ses détracteurs, il lui sera difficile de défendre sa politique d’apaisement sans casser la spirale de la “rechute” de ses rapports avec Alger. Le président français a multiplié les signes en faveur d’un rapprochement et donne sans cesse des gages de confiance. La distance observée par Paris en s’abstenant à commenter l’actualité algérienne est destinée aux autorités algériennes, très attentives aux réactions des officiels français. Mais dans les relations internationales, bouder pour signifier sa mauvaise humeur n’est pas une politique.
Est-ce que cette annulation est liée à des enjeux internes à l’Algérie ?
Le déplacement de la délégation française tenait déjà à un fil. Une série de dysfonctionnements, dont seule la France connaît le secret, finit par torpiller la visite. Les hésitations et désistements de certains poids lourds du gouvernement français ont fini par irriter à Alger. L’annonce d’une parlementaire du parti présidentiel de son projet d’ouvrir une antenne à Dakhla serait perçue à Alger comme une déclaration hostile. Le président Tebboune n’en sort pas indemne. Il a misé sur une nouvelle approche graduelle avec Paris. Il va devoir patienter.
Peut-on parler aujourd’hui d’une nouvelle brouille entre Alger et Paris ? Comment cette relation va-t-elle évoluer selon vous ?
Les brouilles entre les deux États, devenues classiques, doivent être dépassées. Les attentes économiques et éducatives sont énormes. Le réchauffement entre Paris et Alger gêne de part et d’autre, en interne comme en externe. D’où la nécessité de consolider les liens d’une manière pragmatique.
Je reste persuadé que le rapport Stora était un prélude nécessaire à une relance positive des relations entre les deux pays. L’Algérie ne peut pas se permettre de s’isoler sur la scène internationale.
Propos recueillis par : Karim Benamar