Liberté : Les consultations post-Covid ont-elles connu, en ces temps d’accalmie épidémique, une baisse au même titre que celles des contaminations par le virus ?
Pr Hassen Messaoudi : Il importe de rappeler aujourd’hui en ces temps d’accalmie comme le vous le dites que la consultation post-Covid a été décidée au cours du mois de mai 2020 par le CHU Mustapha-Pacha, c’est-à-dire au moment où les contaminations affichaient des courbes ascendantes. L’objectif assigné à ce type de consultation est d’assurer le suivi de tous les malades ayant été touchés par le coronavirus et même ceux qui ont été hospitalisés dans tous les services de notre hôpital. Cet examen dit de suivi et de contrôle se faisait au départ au niveau de notre service de médecine interne et du service de pneumologie. Ces visites médicales post-Covid ont baissé également après la décrue, voire le déclin du nombre de cas de contamination et la reprise, parallèlement, de l’activité des autres services non-Covid. Cela dit, l’hospitalisation des malades atteint de Covid continue d’être assurée au niveau de l’unité dédiée à la pathologie du coronavirus. Ce genre d’examen permet d’assurer donc la continuité des soins, évidemment en fonction des fragilités et des pathologies observées chez les patients, jusqu’au rétablissement total de leur maladie. Ces consultations offrent aussi une opportunité pour procéder à la réévaluation des différentes atteintes, notamment rénales, le déséquilibre diabétique, l’hypertention artérielle (HTA), l’atteinte cardiovasculaire et hépato-biliaire. Les visites post-Covid sont aussi requises, notamment pour mesurer la progression de l’atteinte pulmonaire radiologique, et ce, pour guetter une éventuelle fibrose pulmonaire.
On peut dire qu’aujourd’hui, il y a véritablement une stabilisation de la consultation post-Covid et moins de contaminations par Covid.
Quel sont les symptômes post-Covid les plus récurrents ?
Les symptômes post-Covid observés peuvent être différents de ceux qui s’étaient manifestés au début. Le plus prédominant des symptômes est la fatigue, ou ce qu’on appelle l’asthénie. Celle-ci a contraint d’ailleurs une grande partie des patients à interrompre leur travail même après leur guérison. Il y a lieu aussi de signaler d’autres patients qui évoquaient des symptômes neurologiques, tels que des maux de tête, des troubles de la mémoire, de la concentration, de l’humeur, de la somnolence ou au contraire des insomnies. Il est question également d’autres troubles sensoriels, tels les fourmillements ou les sensations de brûlure le long des membres, sur le corps ou au niveau de la face, des douleurs neurogènes, des troubles de l’équilibre, de la déglutition et de l’élocution ou un problème de régulation de la température corporelle. D’autres patients souffrent des symptômes cardiovasculaires et thoraciques, tels l’oppression et des douleurs thoraciques, des palpitations ou des variations brutales du rythme cardiaque, une gêne respiratoire (dyspnée) durant l’effort et la toux. Enfin, d’autres catégories de symptômes ont été rapportées, mais moins fréquentes, comme des douleurs musculaires, ou encore des signes digestifs (diarrhées), des signes cutanés ou vasculaires.
Qu’en est-il des complications qui peuvent se produire après la période de convalescence ?
Ce qu’il y a lieu de rappeler avec insistance à ce titre, c’est que la Covid-19 est connue pour provoquer des atteintes respiratoires, parfois graves, ainsi que d'autres déficiences neurologiques, neurocognitives, cardiovasculaires, digestives, hépatorénales, métaboliques, psychiatriques, etc. De plus, une hospitalisation après immobilisation prolongée en réanimation peut entraîner aussi des complications post-réanimation et des séquelles neurologiques liées au virus. Certaines de ces complications nécessitent l’intervention d’un orthophoniste. La prise en charge orthophonique des patients Covid-19 comprend d’abord l’évaluation des troubles, puis la rééducation elle-même. Cette prise en charge peut démarrer en post-réanimation, selon les besoins, avant de se poursuivre à l’hôpital, puis en ambulatoire. Le suivi orthophonique des patients Covid-19 doit impérativement se faire dans le respect des mesures barrières et en tenant compte de la fatigabilité de ces patients, souvent dénutris, affaiblis et porteurs de comorbidités.
Y a-t-il d'autres complications liées à la dénutrition durant la contamination ?
Les chercheurs ont fait une découverte qui inspire l’inquiétude. C’est qu’un grand nombre des patients de Wuhan en Chine infectés, il y a 6 mois, présenteraient toujours des symptômes de la maladie. L’importance de la perte de poids en phase aiguë est considérable, dépassant parfois 10 kg, et pour les sujets âgés, jusqu’à la dénutrition et une fonte musculaire importante. Les résultats d'une étude longitudinale ont récemment été publiés dans la revue internationale The Lancet et ils sont vraiment inquiétants. Sur 1 700 patients de Wuhan atteints par le virus entre janvier et mai 2020, et suivis sur une durée de six mois, pas moins de 76% doivent encore recouvrer la santé. Les manifestations les plus fréquentes incluent une fatigue intense ou une faiblesse musculaire (63% des cas), des troubles du sommeil (26%) et de l'anxiété ou la dépression (23%). Si les mécanismes à l’origine de ces symptômes sont parfois difficiles à identifier, et donc à quantifier, d'autres complications ne laissent, pour leur part, aucune place à l'ambiguïté.
Ainsi, plusieurs personnes atteintes de formes sévères de la maladie n'ont pas encore récupéré leur pleine capacité respiratoire au bout de six mois, suggérant que les organes ont été endommagés durablement. En outre, chez 13% des patients, alors que la fonction rénale était normale durant le pic de la maladie, les chercheurs ont constaté qu'elle se dégradait après la disparition des symptômes.
Entretien réalisé par : H. H.
