Cette rencontre a été l’occasion de mettre en lumière le dialogue des cultures entre les deux rives de la Méditerranée et de découvrir, ainsi, des morceaux d’“ailleurs” qui ressemblent beaucoup à nos noubas, maqâms, musique berbère ou mélodies folkloriques locales.
Dans le cade des rencontres “Un livre, un auteur” initiées par les organisateurs du 1er Salon du livre Mouloud-Mammeri d’Ath Yenni, qui s’est déroulé les 8, 9 et 10 avril derniers, la présentation par Mouloud Ounnoughène de Dialogue des cultures musicales.
Mythe ou Réalité, paru aux éditions Ettahadi, a été un moment fort pour les présents. Ils ont eu à apprécier un travail de recherche de longue haleine qui s’est vu soldé par un ouvrage de référence dans lequel le lecteur apprendra que “noubas, maqâms, thème berbère ou mélodies folkloriques locales ont été utilisés dans les compostions de différents chefs d’orchestre : Camille Saint-Saëns, Félicien David, Nikolaï Rimski-Korsakov, Béla Bartok, Armas Launis, Gustave Holts, etc.”.
Preuves à l’appui, joignant la parole à la musique, l’auteur, et non moins neuro-chirurgien, musicien et ancien producteur et animateur d’émissions radiophoniques sur les musiques du monde, donnera à apprécier à l’assistance des morceaux musicaux puisés du terroir universel qui disent tout ce “syncrétisme des différentes cultures musicales” qui s’est opéré au fil du temps.
Selon l’orateur, “aucune musique ne s’est développée en vase clos” et, de ce fait, “les apports du siècle, les influences, le reflet de la vie sociale, les flux et reflux de la vie intérieure et la domination coloniale sont autant d’éléments qui peuvent représenter un filtre qui altérerait l’altérité de l’œuvre”.
Ce dialogue des cultures entre les deux rives de la Méditerranée a été l’occasion pour beaucoup de découvrir des morceaux d’“ailleurs” qui ressemblent beaucoup à ceux d’“ici” : le célèbre La Belle Aéliz dans Le Jeu de Robin et de Marion d’Adam de la Halle est construit sur la forme de zedjel ; Le vingtième cantiga de Santa Maria repose sur des rythmes berbéro-andalous, tout comme La numéro 362, tandis que Le prélude 189 ressemble aux annotations de l’achewiq kabyle.
D’ailleurs, nous dira Mouloud Ounnoughène, “Taos Amrouche a recueilli des chants archaïques de l’Alberca, qui traduisent bien l’essence berbère du folklore ibérique. Taos fait le rapprochement entre le cante jondo du flamenco et le chant du terroir kabyle”.
Un voyage musical qui transportera l’assistance dans un passé historique et spirituel, oscillant entre Tarek Ibn Zyad et sa conquête de la péninsule Ibérique, le califat omeyyade et la destruction du royaume wisigoth, la période abbasside avec Kitab el aghani d’Abu el Faradj, les Croisades, la littérature italienne avec l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre qu’est La Divine Comédie de Dante qui “s’inspire de versets coraniques de la sourate XVII El Isra…”.
Il sera également question de Goethe et de son intérêt pour l’islam et le prophète à travers le théologien Heider et la littérature bachique de Hafez de Chiraz ; de Karol Szymanowsky, ce compositeur polonais qui a signé Chants d’amour de Hafiz, opus 26 ; de Victor Hugo et ses Orientales ; de Gérard de Nerval, de Pierre Loti… Tout cela, pour dire que “la riche littérature andalouse et sa poésie réglée ont exercé une influence particulière sur la chanson du continent européen”.
Cette rencontre, rehaussée musicalement par des morceaux choisis par l’intervenant pour appuyer ses dires, a été l’occasion pour certains présents de s’interroger sur des ressemblances qu’ils avaient décelées dans certaines musiques du monde, sans pour autant pouvoir en connaître l’origine. C’est dire aussi que dans la musique, il y a de la recherche et que cette recherche musicale est une science à part entière qui donne la part belle à l’ethnographie… dite autrement.
Samira BENDRIS-OULEBSIR