Il n’est pas encore très connu du grand public, pourtant, à 33 ans, ce natif de Batna trace son chemin dans le monde du septième art. Lui, c’est Salah Issad, qui s’envole pour la France juste après avoir décroché le bac dans sa ville natale. Il fréquente l’université Paris VIII, où il obtient une licence de cinéma, avant de gagner Lyon pour suivre des études à Artis (association), puis à Factory qui s’appelle maintenant Eicar, qui est l’une des plus importantes écoles de cinéma en Europe, où il apprend le métier de réalisateur. “J’ai fait quelques courts-métrages avant de réaliser Soula, mon premier long-métrage, entièrement tourné en Algérie, entre Batna, Constantine et Annaba.”
Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Issad et son équipe ont certes travaillé très dur pour réaliser le film avec des moyens réduits, mais ils étaient loin de penser que leur œuvre allait être d’abord sélectionnée, puis primée par l’Association France Algérie, dans le cadre du Prix Bouamari-Vauthier, qu’elle attribue chaque année à un film algérien récent et qui en est à sa cinquième édition. Le réalisateur Salah Issad et l’actrice principale du film, Souhila Bahri, sont montés sur la scène, sous les applaudissements nourris du public, pour recevoir le Prix de la Mention spéciale qui leur a été décerné par le jury.
Tout en avouant modestement qu’il ne s’attendait pas à cette consécration, Salah Issad présente son long-métrage Soula, inspiré de l’histoire vécue par Souhila Bahri, l’actrice principale qui a également participé à l’écriture du scénario. “Souhila Bahri a interprété pour ainsi dire son propre vécu, étant une jeune mère célibataire en Algérie qui connaît tous les problèmes qui découlent de ce genre de situation.” Étant un fan du road movie et du huis clos, Salah Issad, en découvrant l’histoire de Souhila Bahri, a compris qu’il pouvait en tirer un film bouleversant : “Avec l’équipe, on s’est retrouvé avec un projet ambitieux avec peu de moyens, mais l’amour que nous portons au travail nous a fait faire des miracles.
Pour le casting, à part quelques comédiens professionnels, tout est basé sur des acteurs sans expérience, comme Souhila Bahri dont c’est le premier rôle et qui a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario.” Arrivée la veille de Batna grâce à un visa qui lui a été délivré pour assister à la cérémonie de remise du prix Bouamari-Vauthier, Souhila Bahri était débordée d’émotion, au point de ne pouvoir s’exprimer sur scène, malgré les encouragement du public qui semble avoir pris en sympathie celle qui a pour ainsi dire joué son propre rôle dans le film. “Le sujet du film me concerne directement. J’en ai vécu les circonstances et les conséquences, comme d’autres mères célibataires en Algérie.
J’ai parfaitement senti mon rôle dans ce film auquel j’ai adhéré sans hésiter”, déclare celle qui pense rentabiliser son succès dans Soula en envisageant de jouer dans d’autres films à l’avenir. Avec Soula, Salah Issad s’attaque à un tabou absolu dans une société hyperconservatrice. Grand paradoxe, le film Soula a été projeté en avant-première mondiale le 8 décembre 2021, à l’occasion de la première édition du Red Sea Film Festival à Djeddah, en Arabie saoudite, pays pourtant encore plus conservateur. Les lignes seraient-elles en train de bouger dans les sociétés traditionnelles ? Artistes, écrivains, cinéastes et autres intellectuels semblent de plus en plus portés sur des descriptions réalistes de leurs sociétés, avec leurs atouts et leurs travers.
Il est à rappeler que le prix Bouamari-Vauthier de l’AFA 2022 a été décerné au film La Vie d’après d’Anis Djaad. En présence de Jack Lang, président de l’IMA, d’Arnaud Montebourg, président de l’AFA, et de nombreuses personnalités du monde des arts et de la culture, la cérémonie de remise des prix s’est déroulée le 14 février à l’Institut du Monde arabe dans un auditorium archicomble, signe de l’intérêt que porte la diaspora algérienne à la culture de son pays d’origine.
ALI BEDRICI