Malgré les recommandations faites en haut-lieu pour “pallier les lacunes enregistrées dans le domaine de l’industrie cinématographique qui n’a toujours pas atteint le stade de ressource économique”, le secteur du cinéma reste à la traîne. Il eut, certes la pandémie de la Covid-19, mais force est de constater que les mécanismes à même d’en faire un secteur névralgique sont toujours absents.
Le cinéma semble revenir à l’ordre du jour ces derniers temps. Ça et là, des plateformes numériques - conjoncture oblige -, des appels à projets cinématographiques, des lancements de concours nationaux, des ouvertures de cinémathèques régionales, des signatures de partenariats entre ministères et départements. Mais concrètement, où en sommes-nous du véritable travail sur le terrain “recommandé” en haut-lieu pour “pallier les lacunes enregistrées dans le domaine de l’industrie cinématographique qui n’a toujours pas atteint le stade de ressource économique, capable de générer des milliers de postes d’emploi permettant de contribuer à la relance de l’économie nationale” ? En janvier 2020 est créé, au sein du ministère de la Culture et des Arts, un secrétariat d’État chargé de l’industrie cinématographique, confié à Youcef Sehairi, un jeune acteur.
Ensuite, il eut la “redynamisation” du Fonds de développement de l'art, de la technique et de l'industrie cinématographique (Fdatic) présidé par le réalisateur Mohamed Hazourli qui a mis en place une nouvelle commission de lecture. Cette dernière est composée de Fatima Belhadj, Mohamed Kali, Lazhari Labter, Amar Bourouis et Smail Soufit, en charge “d’étudier les scénarios et d'en approuver ceux qui bénéficieront d'un financement à la production”, - ce qui supposerait qu’il y aura financement, avis aux concernés - mais tout se fait au ralenti.
En raison de la crise sanitaire nous dira-t-on, mais la réalité du secteur montre que les problèmes du cinéma remontent à bien plus loin que cette pandémie. Comme nous le dira la réalisatrice et productrice Fatma Zohra Zamoum, interrogée à ce propos : “Grand et vaste chantier qu’est le cinéma… Mais si je devais le résumer en quelques mots, je dirais que pour aller vers une industrie, il faut avoir d’abord un environnement industriel approprié, c’est à dire : des compétences, des technologies, un marché et des fonds publics et privées. Sinon, cela reste de l’artisanat, ce qui est notre situation actuelle.”
Ahmed Benkamla, réalisateur, estime quant à lui qu’“un film est non seulement une œuvre artistique, mais aussi un produit commercial et industriel, ce qui induit financement et débouchés. 99% du financement a été jusque-là assuré par l’argent public, mais les ressources de l’État étant en crise, il faudrait penser à d’autres moyens de financement participatif : des télévisions, publiques et privées, des collectivités locales, le sponsoring, le mécénat…
Cependant le moyen clé reste la commercialisation du produit, ce qui nous amène à parler de la distribution et de la logistique y afférent : où sont les espaces dédiés à cet effet ? Une poignée de salles de cinéma encore ouverte ? Il faudrait encourager l’ouverture de plusieurs salles à travers le territoire, multiplier les petits ciné-clubs, organiser des projections payantes dans les Maisons de la culture qui diffuseraient aussi bien la production nationale qu’internationale, l’occasion de susciter l’intérêt et de lutter contre le piratage et le visionnage sur smartphones ou autres moyens...”
Mais pour arriver à susciter cet intérêt pour le cinéma, Mohamed Zaoui, journaliste et réalisateur nous confiera : “Il faut faire un travail en profondeur en direction de l’école et de la culture ; la culture doit trouver toute sa place dans l’école algérienne.
Y intégrer l’initiation au monde du cinéma en enseignant la grammaire de l’image au collège ou au lycée par exemple ; encourager la création de ciné-clubs dans les lycées et les quartiers avec des projections suivies de débats ; décentraliser ce secteur et ouvrir de petites écoles dédiées au cinéma pour y former de futurs cinéastes qu’on aiderait à faire éclater le talent, car il y en a du talent et partout sur le territoire national, aussi bien dans les grandes villes que dans les petits villages ; ceci permettra l’épanouissement de notre jeunesse et ça profitera à la promotion de notre tourisme local.” Pour ce qui est d’aboutir à une “industrie cinématographique”, le chantier demeure en construction…
Samira Bendris-Oulebsir