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La tradition des “palmeros” descendant des rameaux de la montagne

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AFP Publié 12 Avril 2022 à 12:00

“Je veux être un "palmero" et monter là-haut”, chantent les “palmeros” qui collectent pendant plusieurs jours, les branches de palmiers dans le parc national qui borde Caracas, pour les offrir aux fidèles le dimanche des Rameaux après une procession qui rassemble des milliers de personnes.

Cette tradition de plus de 250 ans figure dans le registre des bonnes pratiques de sauvegarde de l'Unesco et aspire à être patrimoine mondial. Samedi, salués par des milliers de personnes, les “palmeros”, sales et fatigués, sortent du parc Waraira Repano transportant les rameaux, pour rallier l'église de San José où dimanche la messe des rameaux attirera la grande foule. “On pleure quand on remet les rameaux.  C'est incomparable”, explique Carlos Gonzalez, 37 ans, menuisier.

“On refuse de vendre (les rameaux). Ça n'a pas de sens. On le fait avec le cœur en accomplissant une promesse de 250 ans. Ça n'a pas de prix”, ajoute-t-il évoquant la genèse de la tradition, quand la fièvre jaune faisait des ravages.

Le curé de la paroisse avait alors demandé aux fidèles de chercher les rameaux dans la montagne, promettant de perpétuer la pratique si la maladie disparaissait... Mercredi, 1h30 du matin, Carlos et Alvaro Porras, 36 ans, s'enfoncent dans la forêt avec une demi-douzaine de jeunes qu'ils encadrent.

Quatre kilomètres au programme mais près de 1000 m de dénivelé pour atteindre le lieu où ils vont camper. Quelque 300 “palmeros” se disséminent dans le parc national avec l'autorisation exceptionnelle d'y collecter les palmiers, Caroxylum Carifarum, une espèce en danger.

Les “Palmeritos”, Santiago Coriat et Joseph Rincon, tous deux 12 ans, oscillent entre peur et excitation. “J'ai envie mais je suis un peu nerveux. C'est la première fois”, raconte Santiago, qui porte un sac à dos auquel est attaché un “budaré” (plaque pour cuire les galettes de maïs).

Un fardeau qui va s'avérer trop lourd pour le garçon lors de la difficile ascension. Alvaro et Carlos portent 60 kg sur le dos. Nourriture et équipement... Sans oublier “les vitamines”, rhum et eau de vie. La lumière de la ville qu'on surplombe éclaire le chemin escarpé. D'abord prolixes, ils se concentrent sur l'effort. Les conversations s'éteignent. “La montée est dure mais redescendre les rameaux pour les fidèles, c'est ce qu'il y a de mieux”, raconte Alvaro.

À 7h, c'est enfin l'arrivée au campement et ses nuages de moustiques. “Il y la foi, la responsabilité de perpétuer la tradition mais c'est aussi de l'amitié. En haut, nous sommes unis. Tous nous formons qu'un”, explique Alvaro. “Les "munecos", les esprits des "palmeros" décédés, nous accompagnent”, assure Carlos.

Foi et dévotion mais aussi fête et blagues de corps de garde sont au menu de l'aventure où les femmes sont absentes. “Ce qui se passe sur la montage, reste sur la montagne”, souffle un “palmero”.

Les “palmeros” crapahutent hors chemins à travers les bois, gravissant des parois raides parfois à quatre pattes... Mais, la quête ne doit rien au hasard, ils connaissant les zones où ils sèment des palmiers chaque année. Avant, la recherche et la coupe se faisaient au hasard et les palmiers ont failli disparaître.

“On est "palmero" 365 jours par an. On sème, on nettoie la montagne. On fait des opérations dans d'autres parcs, sur les places, dans les écoles. Nous rendons à la nature ce qu'elle nous donne”, explique Alvaro. Alvaro et Carlos enseignent aux jeunes comment récolter le rameau central de chaque arbre pour que celui-ci puisse continuer à vivre.

Santiago et Joseph sont ainsi “baptisés”. “Je voudrais que mes compagnons enseignent aux jeunes. Car (la forêt) c'est notre poumon”, commente José Leon Garcia, 90 ans, le plus vieux des palmeros dont la chemise porte l'inscription “Monte sur la montagne depuis 1939”. Cette année, il est monté mais en téléphérique.

Quartier populaire
Samedi, après deux nouvelles nuits sur la montagne, les “palmeros”, dont certains portent des rosaires autour du cou, redescendent avec les rameaux sur les épaules. Pour beaucoup, c'est une sorte de “chemin de croix”. “On est contents d'avoir rempli la mission. Peu importe les douleurs, la fatigue”, résume Jean-Paul Blanco, tatoueur.

Au son de fanfares et de pétards, les “palmeros” défilent dans la ville passant notamment dans le petit quartier populaire du Pedregal dont ils sont pour la plupart issus. La tradition de cette pratique c'est aussi l'histoire de ce quartier enclavé dans Chacao, zone huppée avec ses résidences et immeubles de luxe.

La pression immobilière est forte mais Alvaro jure que le quartier de plusieurs centaines d'habitants ne disparaitra jamais : “Le Pedregal, c'est une grande famille.  Chaque voisin a un ancêtre en commun. La famille cherche à maintenir cet héritage”.

La procession s'arrête devant des maisons ornées de photos de “palmeros” décédés. “C'est comme s'il nous attendait sur le pas de sa porte”, dit Carlos.  À 16h, ils arrivent à l'église ou les rameaux sont bénis puis déposés dans la maison paroissiale.

La fin de l'aventure. Fatigue et émotion se mêlent. Les “palmeros” s'étreignent, crient, s'embrassent, pleurent, rient, chantent. “Mission accomplie !”.

AFP

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