“Bad poems” de Gábor Reisz a été projeté lors des 6es Journées du film européen organisées depuis le 4 novembre et ce, jusqu’au 11 du même mois. À la manière d’un Boyhood, le second long-métrage du réalisateur hongrois met au cœur de son intrigue l’éveil émotionnel et sentimental d’un jeune garçon sur une période de vingt ans.
À la faveur des 6es Journées du film européen organisées du 4 au 11 novembre par la délégation de l’Union européenne en Algérie, avec le concours des quatorze États membres et la Cinémathèque algérienne, le long métrage Bad poems du réalisateur hongrois Gábor Reisz a été projeté lors de la 4e journée.
La scène d’ouverture annonce déjà la couleur avec un dialogue entre le personnage de Tamàs (campé par le réalisateur lui-même) et Anna (Katica Nagy), sa petite-amie partie étudier à Paris. L’échange se fait sur le banc d’un parc. Mais qui d’Anna ou de Tamàs annonce à l’autre qu’il veut rompre ?
Le spectateur découvre plusieurs versions de cette même scène, nées de l’imagination de Tamàs qui rentre à Budapest chez ses parents. À partir de cette déception, vécue comme un ultime échec, Tamàs passe en revue ses trente années d’existence.
Son enfance partagée entre un cercle familial soudé et une scolarité difficile, les premières amours adolescentes, les relations avec ses parents, ses amis et une tante particulièrement préoccupée par l’introversion de son neveu… À la manière d’un Boyhood, Bad poems met au cœur de son intrigue l’éveil émotionnel et sentimental d’un jeune garçon sur une période de vingt ans.
Le côté comique, voire absurde de l’œuvre (surtout quand il s’agit du personnage central) sert le propos du réalisateur à des moments-clés, comme cette scène surréaliste du moment de la création d’un groupe grunge avec ses camarades de lycée, diffusée en direct sur une chaîne info.
La musique, la peinture et la poésie, d’où le titre du film Bad poems (Mauvais poèmes), tiennent par ailleurs une part importante dans la construction de la personnalité du jeune Tamàs et sa compréhension du monde.
Si la musique lui a permis de se faire des amis, la peinture le rapproche d’une tante qui l’encourage à peindre et publier ses poèmes amoureux dans la presse.
Introspectif, burlesque et lucide par moments, Bad poems vacille entre subjectivité et regard neutre sur l’individu, la société et le monde. Second long métrage de Reisz, après For some inexplicable reason sorti en 2014, et qui traitait déjà du rapport de l’individu à sa société, Bad poems est un mélodrame, dont l’hybridité générique et la légèreté de ton employée par Reisz atténuent quelque peu la réalité de la violence subie par son personnage, et ainsi clore le chapitre de son mal-être et de ses blessures.
La politique n’est par ailleurs pas en reste dans cette fresque intimiste, qui donne à voir une Hongrie en butte à la question migratoire, de l’extrémisme politique et du rejet de l’autre, traitée à travers une discussion familiale entre le frère et le père de Tamàs.
Par des personnages singuliers et un esthétisme recherché, à la limite de l’expérimental, Gábor Reisz prouve que les rom-com peuvent donner autre chose que des dialogues galvaudés et des histoires d’amour idéalisées.
Yasmine AZZOUZ