Sciemment ou par négligence, le nom de Mostefa Lacheraf, l’un des écrivains et intellectuels emblématiques du pays, n’est que rarement évoqué au sein de la communauté universitaire. Aucun hommage posthume ne lui est rendu dans la région du Titteri où il est né en 1917, en l’occurrence à Chellalet El-Adhaoura, au sud de la wilaya de Médéa.
D’ailleurs, le seul colloque qui lui a été consacré a été organisé par l’université Yahia-Farès de Médéa du 14 au 16 mars 2014, auquel ont participé des universitaires et des chercheurs venus de différents horizons, d’Algérie et de Tunisie, dont les contributions et les analyses ont mis en exergue les idées de progrès de l’auteur de l’œuvre magistrale L’Algérie, nation et société.
Les réflexions libres sur les sujets divers qui traversent la société ont valu à l’auteur beaucoup de critiques de la part de ses détracteurs et de certains cercles hostiles au progrès et aux idées d’affranchissement de l’homme de toute forme de domination et d’asservissement.
Les universitaires et chercheurs qui ont pris la parole à cette occasion ont tous été unanimes à reconnaître l’apport pointilleux des œuvres de Lacheraf aux sciences sociales et humaines. Mustapha Madi, maître de conférences en sociologie à l’université d’Alger, dira que les positions de Lacheraf sur la réforme de l’enseignement et l’ouverture de l’école pour l’éloigner du joug d’une “catégorie d’arabisants négatifs et idéologues” lui ont valu des critiques acerbes par les détenteurs de l’idéologie dominante. Précisant que “Lacheraf avait une vision prémonitoire sur l’avenir ; il craignait la survenue de certains événements qui, malheureusement, se sont réalisés.
D’ailleurs, la mauvaise arabisation s’est faite au détriment de la masse qui ne maîtrise plus aucune langue”. L’orateur rapportera que Lacheraf est le premier à avoir analysé La Colline oubliée de Mouloud Mammeri, rappelant les remarques émises par l’Égyptien Taha Hussein à propos de l’œuvre et de l’auteur.
Sans nul doute, Lacheraf ne s’est jamais départi de son combat pour ses idéaux, son appartenance et son algérianité auxquels il tenait beaucoup. Cependant, il ne voulait pas que l’Algérie reste en vase clos mais, au contraire, elle doit s’ouvrir sur l’universalité à travers la maîtrise des langues, selon le professeur universitaire tunisien Salah Alouaoui.
Pendant sa nomination à la tête du ministère de l’Éducation nationale, il allait dans les écoles assister aux cours pour dresser un diagnostic de la réalité de l’enseignement. Il s’est rendu compte que les enseignants n’étaient pas, dans la majorité des cas, à la hauteur de leur mission, alors que les élèves étaient vifs et avides de savoir.
Il n’a pu mettre en marche son projet, bloqué dans sa démarche par les attaques et les critiques de ses détracteurs qui l’ont taxé d’anti-arabisme. D’ailleurs, il ne cessait d’opposer à ses critiques que “l’arabisme se construit à travers l’effort et non pas par l’idéologie”.
Militant du Parti du peuple algérien (PPA) et au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), il est arrêté en même temps que les autres membres de la délégation des dirigeants de la “Révolution algérienne”, dont l’avion a été détourné en 1956 par l’armée coloniale. Il est décédé le 13 janvier 2007.
M. EL BEY