L’auteur prévoyait d’écrire depuis longtemps pour partager son expérience d’élu. Mais il remettait toujours à plus tard ce projet, avant qu’une lettre anonyme, aux “conséquences désastreuses”, ne vienne stopper, voire pulvériser son cinquième mandat.
Le premier roman d’Allaoua Mouhoubi, Attentat à la probité, préfacé par l’écrivain et journaliste Mustapha Bensadi et paru chez Tafat Éditions (2022), est captivant. Et ce, tant par l’originalité de son thème, la gestion communale, qui a été rarement abordée jusque-là, que par la puissance qu’il dégage à propos d’une lettre anonyme, qui l’envoie devant la justice. Après près de vingt années passées au niveau de la commune de Béjaïa, l’auteur, retraité de l’université de Béjaïa, a fait le compte à rebours de ses cinq mandats – consécutifs – en sa qualité d’élu, très souvent enserré dans la fonction de chargé aux finances. Et c’est en tant qu’auditeur et spécialiste des finances publiques qu’il a rejoint l’APC. L’auteur prévoyait d’écrire depuis longtemps pour partager son expérience d’élu. Mais il remettait toujours à plus tard ce projet, avant qu’une lettre anonyme, aux “conséquences désastreuses”, ne vienne stopper, voire pulvériser son cinquième mandat.
Cette épreuve l’oblige à faire un travail sur lui-même et à faire son mea culpa : il écrit qu’à “chaque fois que je m’occupe de la bourse (les finances), je fais face à des ennuis qui arrivent incognito, le nerf de la guerre”. Elle l’a contraint aussi à écrire ce “roman-essai”, qu’il jette comme une bouteille à la mer, en espérant qu’un justicier vienne le rétablir dans ses droits. “Le mandat de trop”, comme il le confesse dans ce roman, a été stoppé net, puisque la justice l’a condamné à deux années de prison ferme. En effet, en 2018 une lettre anonyme, qualifiée de “vengeresse”, l’accuse d’avoir signé en 2011 une note de service qualifiée d’“irrégulière, autorisant une entreprise privée à effectuer le ramassage des ordures ménagères dans un village difficile d’accès et à utiliser un camion à benne au lieu d’une benne tasseuse”.
On penserait à une banale affaire. L’auteur, lui-même, n’y a pas fait beaucoup attention. Mais l’accusation va faire l’objet d’une enquête économique. Il tentera dans ce roman de démontrer, chiffres à l’appui, “l’inexactitude des calculs” de ladite enquête économique. Il rumine sa douleur en s’interrogeant sur la situation kafkaïenne de son cas, puisqu’il dit : “C’est moi qui signale l’infraction et c’est moi que l’on punit !” Très affecté, il revient dans la première partie du roman sur le traitement de l’affaire en première instance et au niveau de la cour d’appel, en mettant en évidence la situation d’une “justice surchargée” par l’inflation des affaires qu’elle traite quotidiennement. Et rêve, en désespoir de cause, d’un autre procès avec la présence de tous les acteurs pour rétablir la vérité.
Dans la deuxième partie, l’auteur du roman développe des aspects de la gestion de la commune, qui reste cependant assez fastidieuse à lire en dépit de l’effort, entrepris par l’auteur, afin de lui donner du mouvement en faisant intervenir un cadre ingénieur, dénommé Bâkli, qui dépeint dans une métaphore l’administration comme une vraie jungle où les fonctionnaires sont dévorés après avoir été asservis, et les élus qui dérangent soumis à des pièges périlleux.
L’intérêt du roman réside aussi dans les renvois législatifs, qui peuvent être d’une grande utilité pour les nouveaux élus des Assemblées locales. En somme, un roman original de par sa thématique, qu’il ne faut pas hésiter à lire pour comprendre les pièges auxquels peuvent être confrontés les élus intègres. En choisissant la forme romanesque, l’auteur a quelque peu stérilisé son ouvrage qui oscillait en essai et témoignage, bien qu’il ait tout fait pour ne pas être ni pamphlétaire ni outrancier.
M. Ouyougoute