Résumé : Après une nuit agitée, Mordjana se réveille à la mi-matinée. Elle a passé une bonne partie de la nuit à ressasser les paroles de sa grand-mère. Sans trop tarder, son aïeule l’accompagne chez la vieille accoucheuse. Une jeune femme leur ouvre et, à leur grande déception, leur apprend que la vieille Sakina est souffrante.
Mais Mimouna prend la jeune femme par les épaules et lui chuchote à l’oreille :
- Je lui ramène ma petite fille. Elle a fait un long voyage pour venir la voir. Dis-lui que j’aimerais la rencontrer au moins pour lui demander conseil. Morjdana est tellement malheureuse, tellement déçue par la vie que je crains pour sa santé mentale. Elle aimerait tant avoir un enfant qu’elle est prête à sacrifier sa vie.
Compréhensive, la jeune femme hoche la tête.
- Toutes les femmes qui viennent voir ma grand-mère ont des raisons plus ou moins urgentes. Mais pour aujourd’hui je ne pense pas que Ma Sakina puisse faire quoi que ce soit pour vous. Elle a passé une mauvaise nuit et depuis l’aube ne cesse de se plaindre de ses rhumatismes.
- Je la comprends fort bien, puisque je souffre des mêmes maux de vieillesse, ma fille. Cependant, j’aimerais la saluer et lui présenter Mordjana. Peut-être pourra-t-elle la rassurer et lui redonner espoir.
La jeune femme jette un coup d’œil à Mordjana qu’elle trouve élégante et très coquette. Elle lui sourit.
- Je vais voir si ma grand-mère peut faire quelque chose pour toi.
Elle revient deux minutes plus tard pour leur annoncer :
- Grand-mère m’a dit que ce serait commettre un crime si elle devait renvoyer cette jeune femme qui vient de si loin. Elle consent à vous recevoir tout de suite. C’est un vrai miracle, puisque depuis ce matin je n’ai cessé de refuser des gens.
Mordjana et sa grand-mère pénètrent dans la maison. La jeune femme les conduit le long d’un couloir qui ouvre sur une grande cour, puis leur indique une chambre tout au fond.
- Vous pouvez y aller, mais ne la fatiguez pas trop. Elle est tellement vieille.
- Nous resterons juste le temps de la saluer, promet Mimouna.
La vieille Sakina est allongée sur un matelas à même le sol. À la vue des deux femmes qui entrent dans sa chambre, elle se redresse péniblement pour les recevoir.
- Soyez les bienvenues, mes bonnes femmes. Excusez-moi, je n’ai plus mes vingt ans. Mes forces me lâchent, et ma vue devient de plus en plus floue.
Mimouna s’approche d’elle et
l’embrasse sur le front.
- Que Dieu te garde pour nous, Lla Sakina. Je suis Mimouna. Te rappelles-tu de moi ?
- Mimouna ? Mimouna, la femme de Si Ameur ?
- C’est ça. Je vois que malgré le poids de l’âge ta mémoire reste infaillible.
- Je me rappelle bien de toi. Voyons, j’ai mis tous tes enfants au monde et même tes petits-enfants. Comment va donc Si Ameur et ta grande famille ?
- Oh ! Assez bien. Si Ameur vieillit lui aussi. Nous rendons grâce à Dieu pour Ses bienfaits et Lui demandons de nous protéger du mal et de nous octroyer une bonne santé.
Lla Sakina lève ses mains au ciel pour implorer Dieu :
- Amine ya rabbi. Amine.
Elle se retourne ensuite vers ses visiteuses.
- Alors, quel bon vent vous amène chez moi, mes petites ?
Mimouna se retourne vers Mordjana et lance :
- Je viens pour ma petite-fille Mordjana. La fille d’Ahmed.
- Ahmed ?
- Oui, Ahmed. Mon fils aîné.
- Oui. Je me rappelle bien de lui. Il n’était pas plus grand que trois pommes lorsque tu me l’avais ramené pour le guérir de la rougeole. Depuis, il a pris le pli de passer me voir régulièrement. Ah ! Comme le temps passe vite. Hier encore, nous étions tous jeunes et vigoureux.
- Oui. Ahmed est maintenant père d’une famille nombreuse.
Sakina sourit.
- Tu ne m’apprends rien là-dessus, ma chère amie. J’ai assisté à son mariage et j’ai assisté Saléha lors de ses trois premiers accouchements.
- Eh bien, je te ramène l’aînée de leurs enfants. Mordjana est mariée. Elle est heureuse et comblée dans son couple. Hélas ! Une ombre plane sur son bonheur : elle n’arrive pas à enfanter.
Sakina lance un regard à Mordjana puis tend une main vers elle.
- Approche. Approche un peu, ma fille.
La jeune femme se lève et vient
se mettre à côté de la vieille femme. Cette dernière lui prend le bras et
se met à la contempler, avant de
soupirer :
- Lorsque tu es venue au monde, j’ai été la première à t’accueillir. Ton premier cri était si strident, si fort que j’avais l’impression que tu n’étais pas normale. En fait, tu étais robuste et forte. Ta maman avait versé de chaudes larmes à ta vue. Elle espérait un garçon pour cette première naissance. Mais c’était une fille qui venait et elle n’était pas très enchantée. Par contre, ton père Ahmed était heureux d’avoir un premier enfant. Si ma mémoire est bonne, tu étais née avec une tache sur la joue. Ce qui n’arrangeait pas les choses pour ta maman.
à suivre
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