La détérioration continue de la santé économique du pays et de l’équilibre des finances publiques qui la sous-tendent laissent entrevoir un retour inévitable à une politique de la planche de billets. Un peu comme l’histoire du recours aux financements externes sous le régime de Bouteflika, celle de l’endettement interne par la planche à billets est rendue dogmatiquement tabou depuis l’avènement de “la nouvelle Algérie”.
Tel qu’il a été actionné depuis sa mise en place vers la fin de 2017 et jusqu’à sa suspension en 2019 dans un contexte de révolte populaire, le dispositif de la planche à billets — dit de financement interne non conventionnel — a donné lieu, il est vrai, à d’impensables abus. Une expansion monétaire abusive de plus de 6 500 milliards de dinars, sans contrepartie en valeur économique réelle, avait, en effet, été autorisée par le bais de ce dispositif, sans qu’aucune réforme ou ajustement structurel volontaire ne soit mis en place en guise de mesures d’accompagnement indispensables.
L’histoire toute récente, celle rendue possible par la révolution pacifique du 22 Février, a permis par la suite de comprendre à quel point ces énormes tirages issus de la planche à billets ne servaient pas seulement à financer les salaires des fonctionnaires, mais aussi et surtout à continuer à renflouer les banques pour qu’elles-mêmes puissent continuer à renflouer l’oligarchie et les lobbies de l’époque.
Résultat des courses : l’immense somme d’argent sans contre-valeur réelle, qui a été tiré de la planche à billets, commence aujourd’hui à s’épuiser, ne laissant comme seul et unique effet qu’une place bancaire publique affaiblie par le poids de créances perdues et de plus en plus en manque de ressources et de liquidités.
Pour y pallier, la Banque centrale s’évertue déjà depuis quelques mois à mettre en œuvre toute son instrumentation monétaire, allant jusqu’à dispenser les banques de constituer des réserves ou des coussins de sécurité. Une politique qui ne va pas sans une certaine création monétaire prudente pour desserrer la contrainte sur les banques et leur permettre ainsi d’exercer leur métier de base qui est l’octroi de crédits.
Une politique qui commence cependant à atteindre ses limites objectives, ce qui ouvre dès lors la voie à la perspective d’un retour à un dispositif de pure création monétaire à travers une politique de planche à billets. En soi, il pourrait s’agir d’un simple outil de relance comme un autre, pour peu qu’il soit utilisé avec raison et canalisé vers la réalisation de réformes structurelles urgentes.