Signe d’une détérioration avancée de la santé économique du pays, les ressources du secteur bancaire poursuivent leur tarissement. Une situation qui ne manquera pas d’aggraver les contraintes sur le financement de l’économie et de l’investissement.
La situation du secteur bancaire national est des plus tendues. Le niveau de liquidité bancaire est repassé en dessous de 700 milliards de dinars en novembre dernier. Une première depuis le troisième trimestre de 2017, période durant laquelle, le gouvernement Ouyahia avait fait valider la planche à billets, prétextant l’incapacité de l’État à payer les fonctionnaires.
Selon la situation mensuelle de la Banque d’Algérie arrêtée à novembre 2020, la liquidité globale des banques a chuté à 612 milliards de dinars. Elle était de 476 milliards de dinars en septembre. Elle est passée de 1 100,8 milliards de dinars à fin 2019 à 916,7 milliards de dinars à fin mai 2020 pour dégringoler à 476 milliards de dinars seulement à fin septembre de la même année, soit une contraction de 440 milliards de dinars en quatre mois, avant de remonter légèrement en novembre dernier.
Malgré l’assouplissement des règles prudentielles appliquées aux banques de la place, la contraction des liquidités s’est aggravée en 2020, mettant le gouvernement face à des choix cornéliens. Cette contraction est d’autant plus inquiétante qu’elle s’est aggravée malgré l’assouplissement et la levée par la suite de certaines règles prudentielles appliquées aux banques.
La Banque d’Algérie a, en effet, baissé à trois reprises le taux des réserves obligatoires depuis mars 2020, de 10 à 8%, de 8 à 6% et de 6 à 3%, avant que l’institution n’intervienne une énième fois pour dispenser carrément les banques et les établissements financiers de l’obligation “de constitution du coussin de sécurité”. Signe avant-coureur d’une tension qui s’exacerbait au sein des banques.
La Banque centrale a également abaissé, courant 2020, son taux directeur à 3,25%. Ces mesures devaient permettre de “libérer, pour le système bancaire, des marges supplémentaires de liquidités et mettre ainsi à la disposition des banques et des établissements financiers des moyens additionnels d’appuis au financement de l’économie nationale à un coût raisonnable”, a justifié l’institution monétaire.
Après une année noire, les banques de la place n’entrevoient toujours pas de lumière au bout du tunnel. C’est une séquence qui rappelle surtout l’année précédant l’adoption dès l’été 2017 de la planche à billets comme moyen de financement.
La Banque centrale avait entamé une série d’opérations de réescompte et d’Open Market dès la mi-2016 dont les effets sur le niveau de la liquidité étaient peu visibles. Une année plus tard, le gouvernement adopte une politique de planche à billets lors d’un Conseil des ministres daté du 6 septembre 2017, présidé par Abdelaziz Bouteflika.
En deux années, la Banque d’Algérie a cassé sa tirelire en mettant à la disposition du Trésor un cash-flow de plus de 6 500 milliards de dinars, bien plus que ce qui a été recommandé par les experts de la Task force qui conseillait alors le gouvernement. Dès le début des tirages au moyen de la planche à billets, la liquidité bancaire a fortement grimpé pour atteindre 1 380,6 milliards de dinars à fin 2017, soit une croissance de 68,2% par rapport à son niveau de fin 2016 qui était de 821 milliards de dinars.
Elle était ensuite passée à 1 557 milliards de dinars à décembre 2018 et à 1 705,5 milliards de dinars à août 2019 avant de reprendre son mouvement baissier dès la fin de ce même exercice. Il y a comme un air de déjà-vu dans la dernière situation mensuelle de la Banque d’Algérie, publiée au Journal officiel, rappelant un épisode tout aussi complexe qui s’était soldé par l’option du “financement non conventionnel”.
S’achemine-t-on vers la même option ? De prime abord, le gouvernement ne semble pas avoir plusieurs cordes à son arc en l’absence de réformes et d’ajustement de fond en mesure de rétablir la viabilité des comptes publics.
Ali Titouche