La question de la sécurité alimentaire, voire la souveraineté alimentaire, qui est aujourd’hui au cœur des problématiques du développement économique et même, au-delà, touche à la souveraineté nationale. “Nous avons jugé que la sécurité alimentaire et la question sanitaire sont des questions stratégiques et relèvent à la fois de la sécurité nationale et de la préservation de la cohésion sociale ; c’est pourquoi elles relèvent de l’ordre de la souveraineté”, a indiqué le président de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), Sami Agli, lors de la présentation d’une étude intitulée “De la sécurité à la souveraineté alimentaire”.
La crise sanitaire, les crises internationales dans différentes régions du monde “ont montré les vulnérabilités des systèmes mondiaux d’approvisionnement et créent des tensions cycliques sur les produits agricoles et les matières premières destinées au secteur agroalimentaire”, a fait remarquer Sami Agli. Le président de la CAPC a rappelé, à juste titre, que l’économie algérienne, adossée presque exclusivement à l’exportation d’une ressource naturelle non renouvelable, a déjà, par le passé, subi de plein fouet le choc de la chute des prix du pétrole. “Allons-nous continuer à nous voiler la face en engageant de faux débats parfois stériles, faits d’amalgames qui, en définitive, ne visent qu’à entretenir une inertie économique favorable à cette économie des containers ?”, a-t-il lancé. “Une inertie qui nous coûte cher aujourd’hui et qui coûtera encore plus à l’avenir si elle continue.
C’est malheureusement une réalité amère : nous importons toutes ou presque toutes les matières premières agricoles que nous consommons et, de fait, nous finançons ainsi des millions d’emplois ailleurs que dans notre pays”, déplore Sami Agli. Ne faudrait-il, pas plutôt, s’interroge le président de la CAPC, “dans un sursaut collectif urgent, unir nos efforts afin d’inverser irrémédiablement le mode de fonctionnement de notre économie, dans le cadre d’une vision stratégique consensuelle et viable, axée sur le développement humain et qui soit créatrice de richesses, seule voie pour garantir notre souveraineté économique ?”.
L’étude couvre l’ensemble des domaines, allant du contexte socioéconomique aux marchés mondiaux en passant par le potentiel agricole algérien, les performances de l’agriculture algérienne et les politiques mises en place. Un potentiel naturel menacé par les changements climatiques Concernant le potentiel agricole algérien, l’étude pointe “un espace agricole singulièrement limité”. La superficie agricole utile (SAU) était estimée, en 2020, à 8,59 millions d’hectares, soit 19,7% de la superficie agricole totale. Le ratio hectare par habitant est le plus faible de la région Maghreb. L’agriculture algérienne est, en effet, très largement dominée par l’existence de petites exploitations agricoles. “Près de 70% des exploitations concentrant plus du quart de la SAU disposent d’une superficie inférieure à 10 ha (recensement de 2001)”, souligne l’étude. La taille moyenne des exploitations a chuté de 11,5 ha en 1973 à moins de 8 ha en 2021.
Les conditions climatiques sont caractérisées par une pluviométrie déficitaire et irrégulièrement répartie. “Elles font obstacle à l’adoption de pratiques intensives d’agriculture sans irrigation artificielle”, a indiqué Omar Bessaoud, professeur d’économie agricole à l’Institut d’agronomie méditerranéen de Montpellier (France). La vulnérabilité environnementale à laquelle est exposée l’Algérie est légèrement atténuée par sa capacité à mobiliser l’eau, mais “là aussi, notre pays est celui qui est le plus marqué par une insécurité hydrique”, a constaté l’étude. Le potentiel mobilisable en eau est estimé à 19 milliards de mètres cubes par an, dont 14 milliards de m3 au nord et 5 milliards de m3 en zone saharienne (appartenant au système aquifère du Sahara septentrional). Au total, les ressources en eau théoriquement exploitées sont évaluées à 8 milliards de m3/an, et la SAU irriguée était estimée en 2018 à 1 360 000 ha. Selon le professeur Bessaoud, la nature du relief et les conditions bioclimatiques constituent les principaux facteurs limitants de l’agriculture algérienne.
L’Algérie agricole, a-t-il fait savoir, “est localisée en grande partie dans le triangle aride et semi-aride, des régions sujettes à des sécheresses fréquentes : précipitations moyennes 89 mm/an, évapotranspiration de 800 mm dans le nord-est du pays à plus de 2 200 mm dans le Sud-Est”. Omar Bessaoud a fait remarquer que toutes les recherches confirment que l’Algérie connaîtra un accroissement sévère de l’aridité qui la rendra davantage vulnérable au stress hydrique et à la désertification. Les recommandations de l’étude portent sur 10 objectifs résolument orientés vers la conquête d’une sécurité alimentaire durable et d’une souveraineté alimentaire à moyen et long termes.
Meziane RABHI